Le dernier rapport de la fondation Abbé Pierre du 3
février 2009, annonce 3 498 800 personnes en
situation très grave de mal-logement : à la rue, en
caravane, dans des bidonvilles, à l’hôtel, etc.
À ceux-là, s’ajoutent 6 617 000 personnes vivant dans
des conditions difficiles ou en grande fragilité pour se
maintenir dans un logement décent (difficultés à payer
le loyer, vie en copropriété dégradée, hébergement
familial, etc.). Au moins 10 115 800 personnes en
France connaissent des problèmes de logement soit
plus de 15% des 65 millions d’habitants.
Face à ce désastre, la « loi de mobilisation pour le
logement » de la ministre du logement Christine
Boutin montre plutôt la démobilisation de l’Etat. La
part du budget logement baisse en 2009 de 7% ;
baisse « compensée » en ponctionnant de 800 millions
d’euros les caisses du 1% logement… qui auraient du
servir à construire des logements pour les salariés ou
à les aider à se loger !
Le livret A (130 milliards d’euros) sert à financer les
entreprises (PME) et les banques. Géré à l’origine par
la Poste et la Caisse d’épargne, il servait par le biais de
la caisse des dépôts et consignations à la construction
de logements sociaux. Désormais l’utilisation et la
redistribution de l’argent récolté, dans ce cadre par les
banques privées est plafonnée. Il y aura moins
d’argent pour la construction de logements sociaux. Il
sera placé sur des marchés plus « rentables ».
Dans les années 1950 à 1970, où les ménages ont vu
leurs conditions de vie et de logement s’améliorer
réellement, les banques n’assuraient que 21,7% des
crédits au logement et l’Etat 59,7%. L’Etat soutenait le
logement en construisant (jusqu’à 500 000 logements
par an), en finançant des prêts et surtout il administrait
et aménageait l’ensemble du territoire national (réseaux
de transports, aide au développement local, plans
quinquennaux, etc.). Il faisait le marché de l’immobilier,
dessinait les villes et les territoires, tout en logeant
massivement les plus démunies. Depuis la fin des
années 70, il s’est désengagé, vendant peu à peu son
patrimoine, privatisant les sociétés HLM et laissant le
marché privé construire, réguler et gérer. Bilan : une
dégradation du logement des ménages et une
augmentation de la part du revenu consacrée au
logement, aujourd’hui, premier poste de dépenses,
devant la nourriture.
Pour peser sur le marché immobilier et à long terme
lutter contre la spéculation, l’Etat doit retirer le livret A
des griffes des banques, redévelopper et contrôler les
moyens de financement du logement et de sa politique,
renationaliser les offices HLM et contrôler les prix du
foncier. Au lieu de cela le gouvernement prône comme
solution à la crise du logement, l’accession sociale à la
propriété, notamment avec la maison à 15€ par jour.
Proposer en période de récessions aux ménages
d’acheter est plus qu’incohérent, c’est irresponsable.
Combien vont s’endetter à vie ? Combien deviendront
véritablement propriétaires de leur logement ? Combien
leur restera-t-il pour vivre et se nourrir ? L’accès à la
propriété pour tous est impossible et illusoire. La crise
immobilière des Etats-Unis le prouve.
Madame Boutin en a perdu sa boussole. Après avoir
annoncé en
o c t o b r e ,
l’obligation pour
les offices HLM de
vendre 40 000
logements sociaux
par an, leurs
occupants, pour
qu’ils accèdent à
la propriété ; en
décembre, elle
proposait de
racheter au privé
30 000 logements
invendus. Pas
pour aider les
m é n a g e s
modestes, mais
pour soutenir
l’immobilier !
Elle fait voter une loi pour raccourcir les délais d’expulsions, puis annonce des mesures pour les éviter. Elle réduit l’accès au logement social en
diminuant le plafond de revenu permettant d’y accéder,
les réservant aux plus pauvres des plus pauvres. Rendre
inaccessibles aux « smicars » l’accès aux logements
sociaux aux loyers les plus bas (type PLA-I) prépare
pour le futur des quartiers qui concentrerons toute les
misères du monde. Si des ménages ayant des revenus
convenables restent dans le logement social, c’est que
les loyers du privé sont inabordables.
L’Etat pour garantir le logement de tous doit donc
construire des logements accessibles à tous les
ménages afin de permettre réellement l’application de la
loi « Droit au logement opposable ».
Yannick Henrio
[[1 PLA-I (Prêt locatif aidé d’intégration) : 5,42 €/m2,
hors-charges.]]