Devant le tollé provoqué par ce cavalier réglementaire et le vote unanime par la parité syndicale des amendements qui en exigeaient le retrait, le ministère a finalement retire les articles 92 et 97 qu’il avait tenté d’introduire pour imposer une mobilité forcée aux directrices et directeurs de SCD. Pour en savoir plus…

En recevant le projet de décret relatif à l’application du protocole PPCR aux catégories A de la filière bibliothèques, le SNASUB-FSU y a découvert un « cavalier réglementaire » : deux articles sans aucun rapport avec la mise en œuvre du protocole, le « 92 » et son corollaire le « 97 » qui prévoient de limiter à 5 ans, renouvelables une fois, le mandat des conservateurs et conservateurs généraux, affectés sur des postes de direction de SCD relevant du MESR.

Il n’en avait jamais été question lors des réunions préparatoires à la mise en œuvre du PPCR. Et début février, quand le ministère avait présenté l’application du protocole pour la filière bibliothèques aux directeurs des SCD, il s’était bien gardé de leur en parler !

Le SNASUB-FSU a immédiatement alerté les autres organisations syndicales des bibliothèques et les associations professionnelles pour organiser collectivement la riposte et obtenir le retrait de ce « cavalier » qui placait les directeurs de bibliothèques sur un siège éjectable et leur imposait une mobilité forcée.

Le 16 février, lors de la réunion préparatoire au CTMESR, puis aujourd’hui, en séance, le SNASUB-FSU, relayé par plusieurs autres représentants des personnels, est longuement intervenu contre cette aberration statutaire.
Les amendements qui demandaient le retrait des articles 92 et 97 ont été adoptés à l’unanimité par la parité syndicale. Le ministère a compris que l’ensemble de la profession était prête à se mobiliser et a retiré les articles incriminés. La raison l’a emporté : on a gagné !

Si, à l’issue du CTMESR, ces articles avait été maintenus, avec les autres fédérations du secteur et les organisations professionnelles, le SNASUB-FSU aurait appellé tous les collègues des bibliothèques, dans tous les établissements, à se mobiliser pour en exiger le retrait.


Pour le SNASUB-FSU, cette mobilité contrainte était totalement inacceptable, ainsi que nous l’avons expliqué dans l’argumentaire ci-dessous que nous avons développé lors de la réunion préparatoire au ministère, puis en CTMESR.

Imposer cette mobilité, fonctionnaliserait implicitement les postes de direction des SCD.
Or, si dans les universités, les emplois fonctionnels peuvent se justifier pour les agents comptables ou les DGS qui sont étroitement intégrés à l’équipe de gouvernance, pour le SNASUB-FSU, il ne saurait être question de « fonctionnaliser » les emplois des directeurs de SCD qui, très majoritairement, ne font pas partie des équipes de gouvernance. En 2008, sur 41 directeurs qui avaient répondu à une enquête de l’IGB, 2 seulement faisaient partie de l’équipe restreinte de gouvernance, 7 de l’équipe élargie… et cela n’a pas fondamentalement évolué depuis !

Imposer cette mobilité désorganiserait les établissements
Comment un directeur pourrait-il porter un projet à long terme (construction, par ex.), avec une crédibilité auprès de ses équipes s’il est sur un siège éjectable ? Les missions des SCD impliquent une continuité dans le temps.
Par ailleurs, le texte prévoit que l’ancien directeur demeure dans l’établissement sur un autre poste… jusqu’à ce qu’il ait obtenu sa mutation !
Comment pourrait-on faire cohabiter, pendant plusieurs mois, voire plus, dans un même établissement deux directeurs, l’ancien et le nouveau, sans que cela crée des conflits ou une ambiance délétère ? D’autant que ces cohabitations risqueraient d’être de longue durée. La plupart des directeurs « éjectables » en 2019 (puisque le texte serait applicable au 1er septembre 2019) auront 60 ans et plus. Exerçant un poste de direction depuis 10 ans, ils seront vraisemblablement en HEC. Il leur sera difficile de retrouver un poste…

Imposer cette mobilité serait incompatible avec l’autonomie des universités !
Comment la DGRH pourrait-t-elle, dans le contexte de la LRU :

 mettre fin aux fonctions d’un directeur contre l’avis d’un président ?

 imposer à un président de recruter un directeur de 60 ans, voire plus, au salaire élevé ?

 imposer à une université la prise en charge simultanée de deux salaires en échelle lettre ?

Imposer cette mobilité créerait une inégalité manifeste de traitement en fonction du ministère de tutelle entre des agents occupant des postes équivalents, dans une filière interministérielle : un directeur exerçant sur un poste relevant du MESR deviendrait éjectable ; son collègue affecté sur un poste de direction relevant du MCC (directeurs de départements de la BNF, directeurs de BMC) ne serait pas concerné.

Imposer cette mobilité créerait une inégalité manifeste de traitement selon leur lieu d’exercice entre des agents occupant des postes équivalents. Muter n’a évidemment pas les mêmes conséquences sur la vie personnelle selon qu’on exerce à Paris ou en régions. Cette mobilité imposée contraindrait la plupart des candidats aux postes de direction à choisir entre vie privée et vie professionnelle, car n’oublions pas que la majorité des postes de direction ne sont pas situés en Île-de-France. En 2008, sur 115 postes : 43 étaient à Paris/72 en régions (Enquête IGB).

Imposer cette mobilité serait néfaste à la parité
Pour les postes de direction, par rapport à la démographie du corps, elle est déjà loin d’être acquise. Chez les conservateurs, il y a 68 % de femmes et 32 % d’hommes… Mais seulement 57 % de directrices et 43 % de directeurs (Enquête IGB 2008).
Or personne n’ignore que la fonctionnalisation des emplois, par les contraintes qu’elle crée, est défavorable à la parité. En 2015, au MESR, 39 % seulement des emplois fonctionnels étaient occupés par des femmes. Fonctionnaliser les emplois de direction de SCD ne pourrait qu’accentuer le différentiel au détriment des femmes.

Pour régler des dysfonctionnements locaux et en particulier contraindre au départ des directeurs « toxiques » qui font souffrir leur personnel, il y a d’autres moyens…

 faire intervenir l’IGB, prévoir des procédures dans la circulaire de gestion, après concertation avec les commissaires paritaires,…
Imposer une mobilité forcée à tout un corps pour régler par le réglementaire quelques cas isolés qui peuvent se régler en gestion est une aberration.

Pour éviter que des directeurs demeurent trop longtemps sur leur poste, il suffit de ne pas les y nommer à 40 ans… alors qu’ils n’ont pas l’expérience nécessaire. L’affectation sur les postes de direction doit correspondre à la maturité d’une carrière.

Favoriser une mobilité qui réponde aux aspirations des agents plutôt qu’imposer une mobilité contrainte !
C’est d’ailleurs ce qui figure dans le préambule du protocole PPCR que le ministère tente de détourner aujourd’hui à travers cet article qui imposerait une mobilité forcée.

Et il suffit de lire les comptes rendus de CAPN des conservateurs et des conservateurs généraux pour constater que le mouvement sur les postes de direction est permanent. La plupart des directeurs demandent volontairement à muter quand ils ont fait le tour de leur poste ou qu’un poste attractif se libère.

En 2008, 72,41 % des directeurs étaient en poste depuis moins de 10 ans (dont 60 depuis moins de 5 ans) et seulement 27,59 % depuis plus de 10 ans (Enquête IGB 2008). Au cours des 5 dernières années, plus de 100 collègues, 78 conservateurs et 23 conservateurs généraux ont été affectés en CAPN sur des postes de direction… Pour des collègues qu’il faudrait faire bouger de force, ils sont plutôt remuants !


Documents relatifs à l’article


Affectation des Conservateurs et CG sur les postes de direction


Argumentaire contre les emplois fonctionnels dans les SCD