Le principe de la carrière est remis en cause, généralement pas de manière directe, mais à travers un certain nombre de dispositions managériales, comme le profilage des postes, qui tendent peu ou prou à supplanter l’idée que le fonctionnaire a vocation, dans le cadre du statut particulier du corps auquel il appartient, à assurer un certain nombre d’emplois.
L’idéologie du « moins d’Etat »
Les propos parfois consensuels sur l’avenir de la fonction publique ne doivent pas faire oublier que les choix actuels sont dictés par l’idéologie du « moins d’Etat ». A travers la décentralisation ou la privatisation de pans entiers du service public, il s’agit moins de rapprocher l’administration du citoyen que de vider l’Etat de son contenu, par l’abandon de ses missions.
Le transfert des personnels aux collectivités territoriales, voire diverses formes de gestion privée, est la suite logique de cette démarche.
Profilage, mobilité, mise en concurrence
Les réformes dans « l’air du temps » prônent, sans craindre la contradiction, à la fois le profilage et la mobilité non seulement géographique, mais aussi fonctionnelle. En réalité, l’administration est davantage soucieuse de profilage que de mobilité ; et de redéploiements dans le cadre de suppressions massives de postes.
Mobilité géographique, fonctionnelle et profilage risquent de se retrouver dans le cadre d’une mise en concurrence généralisée des personnels dans une grande « bourse à l’emploi » des postes vacants des trois fonctions publiques.
Par contre, il est légitime que les personnels puissent souhaiter se spécialiser, ou au contraire, à un autre moment de leur carrière, se diriger vers d’autres fonctions.
La gestion managériale et la LOLF
Avec les règles issues de la nouvelle « loi organique relative aux lois de finances » (LOLF), le budget de l’Etat est décomposé en 149 «programmes» (qui remplacent les «chapitres» budgétaires). Les moyens affectés aux rémunérations constituent un plafond infranchissable mis peuvent être reversés en partie sur d’autres types de dépenses (« fongibilité asymétrique »). Un responsable de BOP ou son DRH pourra réduire l’emploi au profit du fonctionnement, ou encore réduire la part indiciaire pour augmenter la part indemnitaire, augmenter le nombre d’agents en recrutant des non titulaires plutôt que des titulaires, ou en modifiant la répartition par catégorie (A, B, C). Le développement des CDI, dont l’emploi n’est pas garanti, est une menace pour l’avenir de la fonction publique.
Le projet de réforme des cadres statutaires et les fusions de corps
Il s’agit de remplacer les corps par des cadres statutaires moins nombreux, essentiellement afin de développer la mobilité interministérielle. Ce n’est pas seulement une mesure technique de rationalisation. Il s’agit de faciliter le redéploiement des services publics et de leurs personnels dans la perspective de la réduction de la dépense publique (LOLF, réduction des missions, regroupement de services déconcentrés…).
La réforme s’inspire de la fonction publique territoriale, voire du privé. L’hommage à la fonction publique de carrière résonne plutôt comme une révérence obligée cachant mal la détermination du gouvernement à aller très loin dans la casse des garanties collectives. Car actuellement, les statuts sont un frein à l’abandon de missions.
La mise en extinction du corps des CASU, la fusion de corps d’administration centrale de services extérieurs relèvent de cette logique de redéploiement et d’abandon.
Des défis à relever
Les départs à la retraite vont être massifs. Il est essentiel que la culture du service public demeure. Les organisations syndicales ont un rôle à jouer dans cette transmission. Car il y a bien un débat entre ceux qui croient au service public, qui pensent que l’intérêt général est davantage que la somme des intérêts
particuliers, et que ses missions sont spécifiques, et ceux qui rêvent d’une administration réduite au
minimum, ce qui en reste étant géré comme une entreprise. L’efficacité sociale, critère de l’emploi public, est un objectif exigeant qui ne peut être enfermé dans des critères de rentabilité financière
et les règles du marché.
Salarié en face de son employeur, le fonctionnaire est parfois accusé de défendre des intérêts particuliers. La défense de la fonction publique de carrière va en réalité bien au-delà de la défense d’intérêts particuliers. Il s’agit de défendre le rôle des services publics et les droits de tous les usagers contre la prise en charge par des intérêts privés d’un nombre croissant de missions d’intérêt général.