Nous avions eu l’occasion de présenter les hypothèses du gouvernement sur le texte de la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche. Nous expliquions l’état des principales hypothèses évoquées puisque aucun texte ne nous avait été présenté, et nous avions aussi présenté la mobilisation facs et labos en lutte qui a aboutit à une grosse journée de mobilisation « l’université s’arrête » le 5 mars qui était une vraie réussite.
Depuis, le confinement a logiquement fait disparaître cette mobilisation et il était largement admis que la LPPR avait disparu elle aussi avec le confinement. Or, début juin, était annoncé par la ministre de l’enseignement supérieur que le texte de cette loi serait traité en urgence dans les instances : CNESER, CTMESR, CT-U, CSFPE. Et de fait, entre le 16 juin et le 22 juin, toutes ces instances étaient convoquées, sur un texte adressé le 8 juin seulement aux organisations syndicales. Présenter un texte aussi important, et le présenter comme tel, avec aussi peu de temps de négociation possible dit largement en soi ce que ce gouvernement entend par dialogue social.
A cela s’ajoutait les difficultés liées à la crise sanitaire : les séances en distanciel et en présentiel n’ont évidemment pas la même qualité. Le CNESER était convoqué le jeudi 16 avec une double modalité présentiel/distanciel. Or, 2 jours avant, le ministère décidait de modifier ces modalités en ne le réunissant qu’en présentiel. Ce changement subit de modalité, en plus des problèmes de fond de ce texte, nous a amené·e·s à boycotter la séance. Ce CNESER s’est réuni malgré tout de manière ahurissante de 9 h 00 le matin jusqu’à 6 h 00 le lendemain matin. Des conditions indignes d’un débat qui soit un minimum correct.
Le CTMESR qui devait s’enchainer 3 h 00 plus tard n’a pas eu lieu, et a été reporté au jeudi 25 juin. Le CSFPE s’est tenu le 22 juin.
Aucune modification du projet ayant une certaine portée, n‘a été obtenue dans ces instances… si le gouvernement avait souhaité prendre en compte des modifications, il aurait sans doute pris un peu plus le temps…
Le texte est annoncé pour passer en conseil des ministres le 8 juillet, avant un passage au parlement à l’automne.
Que contient ce texte ?
Le texte contient d’abord un volet financier visant à augmenter le budget de la recherche. Si cet effort est insuffisant, il faut quand même le prendre en compte. Cependant, il place les crédits supplémentaires alloués à la recherche sur les mêmes processus (financement sur projet / ANR par exemple) qui ont montré leurs limites.
Il contient aussi des crédits pour une revalorisation salariale, principalement des enseignant·e·s-chercheur·e·s et des chercheur·e·s, avec une modification de leurs régimes indemnitaires. Les montants qui leur sont servis aujourd’hui sont extrêmement faibles. La ministre annonce qu’une partie de cette enveloppe sera consacrée aux BIATSS, principalement aux magasiniers dans un premier temps. Mais, ne souhaitant pas être directive avec les établissements, il y a fort à parier que ses déclarations de principe sur le sujet ne se traduisent pas réellement dans nos établissements.
Sur le fond une évolution salariale des enseignant·e·s-chercheur·e·s et des chercheur·e·s est réclamée de longue date par notre fédération, que cela aboutisse enfin devrait positif…
Au-delà de ces aspects financiers, se trouve une série d’articles qui paraisse comme la déclinaison de la loi fonction publique et une nouvelle étape après la LRU et la loi Fioraso.
D’une part, sont créés des CDI de mission (chercheur·e·s/BIATSS) qui auront comme conséquence une nouvelle augmentation de la précarité, et d’autre part de nouvelle modalités de recrutement de professeur·e·s/directeur•rice·s de recherche apparaissent (tenure track) qui contournent les modalités de recrutement statutaires, et se traduisent par une période contractuelle de 6 ans pouvant se transformer en titularisation… une sorte de période d’essai de 6 ans.
Ces aspects, qui en eux-mêmes suffiraient à poser de gros problèmes, sont complétés par une série de mesures. Je n’évoquerai que quelques unes d’entre-elles. La première vise à faciliter le pantouflage (mélanger les statuts chercheur·e·s publics/travail pour le privé) pour nos chercheur·e·s en limitant les freins (déontologiques par exemple). La suivante aboutit à modifier l’organisation des établissements universitaires en traduisant dans la loi les ordonnances sur les établissements expérimentaux. Enfin, un article sur les délégations de signatures, qui à première vue pourrait paraître anodin rend en réalité le fonctionnement des établissements assez indépendant des élections du/de la président·e de l’université puisque les délégations de signature existantes continuent à exister quand ce·tte président·e ne l’est plus… un établissement pourrait donc fonctionner sans président un certain temps.
Bref, qu’une loi de programmation pour la recherche ou que des évolutions en terme de rémunération d’une partie des collègues, même si elles ne correspondent pas complètement à nos mandats, existent devrait être en soi une bonne nouvelle. Malheureusement, d’une part ce texte est clairement une nouvelle étape de la LRU qui va modifier au fond le fonctionnement de nos établissements (contre la démocratie universitaire ), et d’autre part il s’agit d’une attaque majeure contre les statuts des personnels qui débouchera sur plus de précarité.