L’avant-projet de loi 4D et les missions de l’adjoint-e gestionnaire en EPLE : simplification de l’action publique ou démantèlement progressif des moyens de l’État de conduire ses politiques ?
Bingo, c’est reparti ! A chaque gouvernement – depuis la loi du 13 août 2004 décentralisant les missions d’entretien, de maintenance et d’hébergement des EPLE – sa volonté affichée de vouloir « décentraliser l’intendance » de ces mêmes établissements !
Cette fois, l’intention gouvernementale figure au sein d’un avant-projet de loi « fourre-tout » devant déboucher sur une Loi 4D (présenté en Conseil des ministres courant février puis au Sénat en première lecture durant le premier semestre ?), relative à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration et à la « décomplexification » dont l’objet serait de prendre « diverses mesures de simplification de l’action publique locale ».
Bien sûr, il s’agit là d’une demande récurrente des collectivités territoriales – exprimée régulièrement tant par l’assemblée des départements de France (ADF) que par l’association des régions de France (ARF). Il faut dire que leurs intentions en la matière se nourrissent de politiques gouvernementales se succédant les unes aux autres depuis de nombreuses années désormais et visant à affaiblir les compétences et le pilotage de l’État au profit d’entités extérieures, privées et/ou publiques… dont les collectivités territoriales (CT).
C’est un peu comme si nous assistions – ébahi-es il faut bien le dire – au fait que le conducteur d’un transport public démonte son véhicule en plein trajet ; alors qu’il assure une liaison de service public et qu’il recommande dans le même temps aux usagers transportés de prendre un taxi dès qu’ils en auront l’occasion !
À l’ordre du jour, donc, de ce début d’année 2021 :
- les termes de l’avant-projet de loi 4D : « clarifier les relations entre les collectivités et les gestionnaires de collèges et de lycées » ;
- les propos de la ministre en charge de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales dans le journal Les Échos dans sa livraison du 17 décembre 2020 : « par ailleurs, en matière de gestion des collèges et des lycées, les départements et les régions auront désormais, conjointement avec les chefs d’établissement, autorité sur les intendants, qui gèrent les bâtiments, les cantines et les personnels TOS (techniciens, ouvriers, personnels de services). »
- les propos de Jean-Michel BLANQUER lors d’une audience syndicale le 23 décembre dernier, rapportés par le syndicat A&I-UNSA : « considère que l’essentiel est sauf puisque l’adjoint -gestionnaire reste fonctionnaire d’État ; affirme que le décret d’application en Conseil d’État devra s’attacher à borner correctement ce « pouvoir d’instruction »
On le voit bien, au-delà de l’esprit qui préside au contenu précis de l’avant-projet de loi, (non encore connu) rien n’est simple et donc rien n’est de nature à nous faire croire le gouvernement sur parole quand il justifie l’opération au nom d’une clarification ou d’une simplification de l’action publique… fût-elle locale.
Pas touche à l’unité de l’équipe éducative !
Bien au contraire et a fortiori en ces temps de crise sanitaire aigüe, tant l’unité des équipes pluri professionnelles exerçant en EPLE au service de l’acte d’enseignement – on pourrait écrire des équipes éducatives – est un bien fort précieux.
Il est d’ailleurs tout à fait singulier d’assister à la pratique politique de nos gouvernants qui insistent largement sur la nécessité d’évaluer les agents publics que nous sommes sans que jamais ne sonne l’heure de l’évaluation précise de leurs propres politiques et décisions de réorganisations, restructurations, d’évolutions législatives ou réglementaires…
De quel observatoire apprécient-ils la situation, ces mêmes gouvernants, pour nous expliquer que pour clarifier une situation ouverte par la décentralisation de 2004 – que nous avons tant combattue lors du mouvement social du printemps 2003 – il faudrait placer les adjoint-es gestionnaires d’EPLE sous la tutelle fonctionnelle des collectivités territoriales ? De quels éléments de bilan disposent-ils pour avancer dans une telle voie ? Au nom de quel intérêt pour l’amélioration concrète du fonctionnement de nos établissements scolaires ?
En fait, rien de tout cela ! Il s’agit juste, pour eux, de répondre à un commandement idéologique : déconstruire la capacité de l’État à piloter ses politiques publiques ; et de satisfaire de façon politicienne (clientéliste ?) une commande des CT, en tentant de trouver des alliés « politiques » dans les territoires, en vue des prochaines échéances électorales, régionales et présidentielle.
Non à toute machine à produire de l’injonction paradoxale permanente !
Si cette mesure devait voir le jour, elle aggraverait la situation rencontrée par bon nombre d’adjoint.es-gestionnaires actuellement en créant les conditions structurelles d’injonctions paradoxales permanentes. En effet, l’intrusivité de certaines collectivités dans la vie des établissements, parfois au mépris des lois et règlements de l’éducation, est déjà aujourd’hui un facteur de déstabilisation de leur bonne organisation et fonctionnement.
Est-on prêt à envisager sereinement un fonctionnement de nos EPLE basé sur deux services « administratifs », l’un sous la responsabilité complète du chef d’établissement, en charge du pilotage et du fonctionnement pédagogique, et l’autre, l’intendance, en charge – entre autres – des missions décentralisées en 2004 et piloté peu ou proue par la collectivité territoriale de rattachement via un pouvoir d’instruction sur l’adjoint.e gestionnaire ? Et tout cela au nom d’une simplification de l’action publique… locale ?
Rien ne saurait donc justifier une « décentralisation » des adjoint.es gestionnaires ou de leurs fonctions, voire de leurs équipes, dont les missions – éducatives – sont d’organiser et de rendre possible l’acte d’enseignement au sein de l’établissement scolaire public.
Pas de compromis(sion) sur nos métiers, leur reconnaissance et leurs conditions d’exercice !
Pour le SNASUB-FSU, dans chaque EPLE, l’adjoint-e gestionnaire doit rester personnel de l’Éducation nationale, sous l’autorité de l’Éducation nationale, fonctionnelle et hiérarchique. Ce qui n’occulte en rien l’urgence – justement par souci d’unité et de cohésion de l’équipe éducative – de gagner les conditions de la reconnaissance de ce métier si particulier : le respect par les personnels de direction, le cas échéant, des adjoint.es gestionnaires et de leurs missions ; la revalorisation globale des conditions d’exercice (requalification des emplois concernés de B en A et des éléments constitutifs de la rémunération).
Le SNASUB-FSU, avec la FSU, première fédération de l’Éducation, s’opposera donc par tous les moyens à ce que ce projet voit le jour. Nous continuons d’en demander l’abandon sans délai.
Le 14 janvier 2021