La dernière née des primes a vocation à remplacer progressivement toutes les indemnités. Un récent arrêté l’a étendue au corps des SAENES
Le 17 octobre, le ministère de la Fonction publique a présenté aux organisations syndicales la dernière née des primes, la PFR, qui a vocation à remplacer progressivement toutes les indemnités servies dans les différentes administrations de l’État.
S’il s’agissait d’harmoniser enfin les régimes indemnitaires disparates et inégaux d’un ministère à l’autre, nous ne pourrions que souscrire à la démarche. Hélas il s’agit de bien autre chose, qui s’apparente à une arme de destruction avec sous-munitions dont la cible désignée est le statut de la Fonction publique.
Qu’est ce que la PFR ?
C’est un dispositif indemnitaire qui comprend deux parts cumulables entre elles et modulables indépendamment l’une de l’autre par application de coefficients multiplicateurs à un taux de référence :
• Une part liée aux fonctions exercées (le F de PFR), modulable de 1 à 6, prenant en compte la nature du poste occupé.
• Une part liée aux résultats individuels (le R de PFR), modulable de 0 à 6 pour tenir compte de la « performance » et de la manière de servir de l’agent.
La PFR sera versée mensuellement à chaque agent.
Textes réglementaires :
Décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 relatif à la PFR
Arrêté du 22 décembre 2008 fixant les montants de référence de la PFR
Arrêté du 22 décembre 2008 fixant la liste des primes et indemnités relevant des exceptions prévues à l’article 7 du décret n° 2008-1533
Arrêté du 4 août 2009 fixant les corps et emplois relevant du ministre chargé de l’éducation nationale, de la ministre chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche et de la ministre chargée de la jeunesse, des sports et de la vie associative bénéficiant de la prime de fonctions et de résultats
Arrêté du 26 août 2009 modifiant l’arrêté du 22 décembre 2008 fixant la liste des primes et indemnités relevant des exceptions prévues à l’article 7 du décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 instituant la prime de fonctions et de résultats (JO du 15 septembre 2009).
Arrêté du 9 octobre 2009 fixant les montants de référence de la prime de fonctions et de résultats applicables auX corps des secrétaires administratifs (JO du 11 octobre 2009).
Arrêté du 1er juin 2010 étendant au corps des secrétaires administratifs de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur le bénéfice de la prime de fonctions et de résultats
Comment ça marche ?
1) – S’agissant de la part liée aux fonctions.
Cela suppose que chaque poste de chaque corps fasse préalablement l’objet d’une cotation de 1 à 6, définie par chaque chef de service dans le cadre d’une typologie établie par ministère pour ternir compte des responsabilités, du niveau d’expertise et des sujétions spéciales liées aux fonctions exercées.
Chaque agent est assuré de percevoir au moins le coefficient 1 de la part F. Le coefficient effectivement perçu par l’agent devrait rester inchangé tant que celui-ci demeure sur le même poste.
A terme, cette part F a vocation à se substituer à la NBI qui, rappelons le, est aujourd’hui de l’indiciaire.
2) – S’agissant de la part liée aux résultats.
Cette part R, déterminée par chaque chef de service « en cohérence » avec les conclusions de l’entretien professionnel, a vocation à évoluer chaque année, à la hausse ou à la baisse, en fonction de l’évaluation faite par le supérieur hiérarchique. Elle peut varier de 0 à 6 fois le taux de base, même si le ministère de la Fonction publique prétend que l’attribution du coefficient 0 a vocation à constituer une exception.
! Le bonus. Possibilité est laissée aux chefs de service de verser aux fonctionnaires qu’ils identifieront comme particulièrement performants un bonus semestriel ou annuel non plafonné, en sus du versement mensuel normal de la part R.
A coefficient égal et hors « bonus », la part F devrait représenter 55% à 60% du total de la PFR et la part R de 40% à 45%, selon les grades considérés.
Qui est concerné et selon quel calendrier ?
A moyen terme, cette prime a vocation à se substituer à tous les régimes indemnitaires, interministériels et ministériels, existant actuellement dans la Fonction publique de l’État. Seul un nombre limité de primes et indemnités (non précisées aujourd’hui) pourront être maintenues et cumulées avec la PFR, dans la mesure où il s’agit de dispositifs indemnitaires répondant à des problématiques particulières.
Chaque ministre fixe par arrêté la date d’entrée en vigueur et la liste des corps et emplois « bénéficiaires ». Il est néanmoins prévu que l’ensemble des corps d’Attachés devront entrer dans ce dispositif au plus tard le 1er janvier 2012. S’agissant des catégories B et C, aucun échéancier n’est pour l’instant imposé par la Fonction publique.
Le protocole signé par A&I avec le ministre de l’Éducation nationale (voir plus loin) avant même la présentation du dispositif Fonction publique aux fédérations de fonctionnaires, et donc avant même que le cadre réglementaire soit fixé, prévoit une entrée en vigueur dès 2009 pour les personnels de catégorie A et 2010 pour les B.
Ceci dit, le respect du cadre juridique veut que, pour que le dispositif s’applique, un arrêté ministériel intervienne postérieurement au décret Fonction publique et que le projet de cet arrêté soit préalablement soumis au CTP du ministère de l’Éducation nationale, où siègent toues les organisations représentatives, dont la FSU. Dans ces conditions, on ne voit pas bien quel est le statut de ce protocole, sauf à imaginer que Darcos et A&I sont complices pour tenter de forcer la main du CTPM. La réunion de celui-ci au cours de laquelle devrait être examinée la question promet d’être intéressante.
Cas particulier des personnels logés par nécessité absolue de service.
La présentation faite par le ministère de la Fonction publique précise que la part Résultats leur sera versée dans les conditions de droit commun, donc modulable de 0 à 6 avec possibilité de « bonus ».
En revanche, la part Fonctions fera l’objet d’un abattement de 50% à 100%. Autrement dit, elle sera assortie d’un coefficient compris entre 0 et 3.
PFR et dialogue social.
Le ministère de la Fonction publique « préconise » (mais n’impose pas) que les organisations syndicales soient informées, dans le cadre des CTP, de l’ensemble des éléments relatifs à la mise en œuvre de la PFR :
Définition des niveaux de cotation des postes,
« éventuellement » au niveau de chaque service, cartographie des emplois au regard de la grille de cotation des postes,
Détermination des marges de modulation sur chacune des deux parts,
Politique d’attribution des montants individuels (mais les CTP n’auront pas compétence pour se prononcer sur le traitement des situations individuelles ni sur les montants individuels effectivement versés),
Information sur les montants moyens, maximum et minimum, pour chacune des deux parts, par niveau de poste et par grade.
Analyse et commentaires.
La PFR est une pierre supplémentaire à l’édifice que ce gouvernement met en place ou en chantier autour de la réforme/destruction de la Fonction publique, en cohérence totale avec le rapport Silicani, dont le ministère de la Fonction publique a fait sa bible et sa boussole.
C’est l’inscription en dur, dans des textes de caractère réglementaire, de l’individualisation totale des carrières, des parcours professionnels et des rémunérations. C’est l’institutionnalisation de la concurrence et de la compétition comme mode de relations entre fonctionnaires et la négation du fait que les missions de service public doivent être une œuvre collective pour être efficaces. Nous demeurons convaincus que la qualité du service public repose sur la cohésion des équipes. A cet égard, la situation de rivalité et de concurrence permanente dans laquelle seront placés les agents est désastreuse pour l’usager.
Si le mot « quota » n’est pas utilisé dans le projet, il est sous jacent, au moins pour la part Résultats de la PFR puisque les enveloppes disponibles pour « récompenser la performance » ne sauraient être extensibles. S’agissant d’un jeu à somme nulle, pour quelques uns qui toucheront le gros lot (à quel prix et avec quelle garantie de pérennité ?) le plus grand nombre verra sa rémunération globale fondre encore un peu plus. Dans ce contexte, obtenir une bonne évaluation de son supérieur hiérarchique constitue un enjeu majeur pour la rémunération et la carrière.
En effet, la variabilité cumulée des deux parts de la PFR peut induire des rapports extrêmes de 1 à 10 entre les montants individuellement perçus. Ce rapport peut même être bien plus important encore du fait de la perception par quelques uns du « bonus ».
En outre, la cotation systématique des emplois dont dépend la part fonctionnelle de la PFR remet en cause un principe fondateur du statut de la fonction publique : celui de la séparation du grade et de l’emploi.
En vertu de ce principe, tout fonctionnaire titulaire d’un corps donné a vocation à occuper n’importe quel emploi de ce corps. Les emplois et les fonctionnaires seront « profilés », les premiers par leur cotation, les seconds par leur évaluation ; l’affectation de tel agent sur tel poste ne pourra résulter que de la coïncidence entre les deux profils. De plus, l’appréciation de celle-ci ne sera plus soumise à l’avis de la CAP, mais relèvera du pouvoir discrétionnaire des chefs de service.
Encore une fois, c’est d’une revalorisation indiciaire que la Fonction publique a besoin, dans le cadre d’une refonte globale de la grille des rémunérations ; pas d’un dispositif qui génère des concurrences entre agents au lieu de leur nécessaire collaboration.
Déclaration SNASUB-FSU au Comité Technique Paritaire Ministériel du 1° octobre
Documents relatifs à l’article
Circulaire FP du 14 avril 2009 sur la PFR
Les questions-réponses du ministère sur la PFR
Circulaire MEN 23 juillet 2009 relative à la PFR
Circulaire SUP 5 aout 2009 application de la PFR
Motion adoptée par le SNASUB (16 septembre) Régimes indemnitaires et PFR
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