Un dossier communicable

Le droit à communication du dossier de l’agent sanctionnable revêt une importance primordiale car il rend possible la censure, par l’organisation d’une procédure contradictoire, des sanctions disciplinaires ou des mesures prises en considération de la personne qui seraient motivées par des considérations étrangères au service : opinions, vie privée, rivalités de personnes…
Le juge administratif a précisé que la communication du dossier doit être intégrale et non partielle, le fonctionnaire ayant la possibilité de prendre copie des pièces.

Le second alinéa de l’article 19 de l’actuel statut général précise que « le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes (…).
L’administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier ».

L’obligation de communication du dossier du fonctionnaire sanctionnable est un moyen important de protection contre les risques d’arbitraire.
La vigilance des défenseurs doit porter sur la neutralité effective du dossier.

Des règles indispensables…

La communication du dossier prend tout son intérêt dès lors qu’elle est encadrée par certaines règles tenant à la fois à sa constitution et à sa mise à jour. Ces règles doivent notamment préserver le dossier de toute possibilité de manipulation, ou de la présence d’éléments couverts par une amnistie ou mettant en cause la liberté d’opinion ou la vie privée. L’accessibilité elle-même doit être garantie.
Ces règles nécessaires, contraignantes dans leur principe, souvent lacunaires dans leur traduction réglementaire comme dans leur application concrète, se révèlent particulièrement indispensables en cas de conflit. Elles sont un élément fondamental des droits de la défense.

… fruit d’ un long combat

L’application de ces garanties est un long combat.
Historiquement, c’est l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 (après “l’affaire des fiches” concernant des militaires retardés dans leur avancement au motif de leurs opinions politiques) relatif à la communication du dossier qui a permis l’apparition de cette garantie, devenue aujourd’hui un principe de valeur constitutionnelle.
Cet article dispose :
« Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes les administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d’être l’objet d’une mesure disciplinaire ou d’un déplacement d’office, soit avant d’être retardés dans leur avancement à l’ancienneté ».

Une vigilance nécessaire

Nées contre la volonté de l’administration, faites pour limiter sa toute-puissance sur ses agents, ces règles doivent être défendues, précisées. Car dans ce domaine, l’administration n’agit que contrainte. Le dossier est trop souvent tenu avec insuffisamment de rigueur, formalisé seulement à l’occasion d’un contexte conjoncturel défavorable au fonctionnaire (procédure disciplinaire).
Par ailleurs, la déconcentration de la gestion conduit aujourd’hui à la multiplication « des » dossiers du fonctionnaire, ce qui met à mal la règle pourtant essentielle de l’unicité du dossier. Son utilisation protectrice est perçue trop souvent par une administration peu soucieuse de garantir les droits de ses agents comme une contrainte fastidieuse ; et elle souhaiterait le récupérer comme instrument d’une « gestion moderne », il faut comprendre d’une gestion au profil, où l’entretien individuel notamment serait versé au dossier.

Une dématérialisation (dossier numérique) est envisagée. Elle devra respecter les principes de rigueur indispensables au respect des droits de la défense.

Le dossier du fonctionnaire doit conserver son véritable sens, qui est de protéger l’agent contre son employeur et, mieux précisé dans ses règles et leur application, être un instrument de développement de la citoyenneté de l’agent public.