S ‘il est un poste d’administratif qui semblait épargné par tout souci de disparition c’est bien celui du secrétariat de scolarité et corollairement celui de secrétariat de direction dans un EPLE.
Pourtant certaines évolutions doctrinales de notre administration alliées à un « pragmatisme » à la mode et à l’affirmation idéologique d’une nécessaire décroissance de la fonction publique menacent aussi ces emplois.

Dans les faits plusieurs pistes sont déjà explorées. On nous parle de taille critique d’établissements, de fusions, de mutualisations, de multi-sites qui rendraient crédible une spécialisation des postes administratifs à une échelle qui séparerait les missions de gestion, de la scolarité de l’EPLE.
Certains nous diront qu’il s’agit de science fiction, de l’esprit « Cassandre » qui caractérise le syndicalisme que nous incarnons, vu comme un héritage du siècle dernier, tant est moderne à leurs yeux la réforme avec un grand « R ».

Les outils informatiques sont déjà calibrés pour qu’on puisse déconnecter la gestion de la scolarité du pôle administratif de l’établissement et relier par exemple un service vie scolaire en direct avec un centre de gestion de scolarité mutualisé.
C’est, il est vrai , une organisation complètement différente mais au moment où l’Etat fait feu de tout bois, si la messe n’est pas dite, les calices sont prêts et l’intention est de nous les faire boire jusqu’à la lie .
On cherchait autrefois à déterminer la pertinence des réformes en les testant sur un échantillon restreint et en évaluant le rapport « coût-avantages ». Aujourd’hui, on réforme en vraie grandeur en ayant comme unique objectif la diminution des coûts au prix d’une évaporation des avantages.

Les postes administratifs sont particulièrement visés par
« l’administration numérique » qui pourra éloigner dans des proportions encore peu imaginées les usagers des « gestionnaires de dossiers ».
Dans le bureau d’à côté, à l’intendance, les grandes manœuvres ont déjà commencé !
Les agences comptables vivent leur première crise d’hypertrophie sur fond d’accession de certains, à des emplois fonctionnels.
D’aucuns prédisent la « territorialisation » des gestionnaires comme d’autres l’absorption par le Trésor des comptabilités tenues par des fonctionnaires «de connivence» avec les ordonnateurs selon l’expression d’un récent rapport de la COUR DES COMPTES.

Il y a fort à parier que la mécanique réformatrice du moindre coût des services publics ne se bornera pas à un « allègement » des équipes si on ne l’arrête pas.
Le but ultime n’est pas de réformer, mais de rendre irréversible un mode de sous-administration qui trouvera en cas d’urgence des substituts privés pour pallier les effets dévastateurs d’un sabordage organisé.
Il y a quelques semaines, sur une chaîne de télévision plutôt confidentielle, passait un reportage sur le fonctionnement d’un service de restauration dans un LP de banlieue. Le chef de cuisine montrait toutes les difficultés qu’il rencontrait et on concluait que rien n’était fait pour que la qualité des prestations soit tirée vers le haut, principalement pour des raisons budgétaires.
Le plus surprenant pour tous ceux qui exercent des missions de gestion c’était précisément l’absence de leurs fonctions dans la gestion de ce service, coaché par un trio Cuisinier, magasinière et chef d’établissement.
Cela faisait penser aux méthodes décrites par Orwell dans « 1984 » où on gomme l’histoire pour que la réalité soit conforme à l’idéologie, ce qui montre qu’on peut dénier à quiconque toute pertinence de sa mission et que le caractère naturel d’un fonctionnement habituel n’est qu’illusoire.

Ceci ne serait qu’expression d’un intérêt particulier corporatiste si nous n’avions la certitude que l’éloignement de l’usager est préjudiciable et que le moins d’administration nuit prioritairement aux plus démunis.
Le service public égalitaire permet à tous d’accéder aux droits qui leur sont reconnus, là où son démantèlement aboutit généralement à l’injustice et à toutes les formes de corruption sélective .
Nous n’en sommes pas encore là, mais les apprentis sorciers qui nous gouvernent méritent qu’on exerce vigilance et détermination, pour nos postes, nos établissements et l’Education en définitive.

Jacques Le Beuvant
Marie Dolorès Cornillon