Exécution des décisions de la juridiction administrative

L’administration est tenue d’exécuter les décisions de la juridiction administrative quand elles sont devenues définitives.

La portée des décisions individuelles est limitée à la question que le juge a effectivement tranchée et aux auteurs du pourvoi. C’est des décisions individuelles qu’il est question dans cet article.

Les actes individuels pris en application d’actes réglementaires annulés

En principe, l’annulation totale ou partielle d’un acte réglementaire entraîne sa disparition vis-à-vis de tous : l’administration ne peut plus en faire application. Mais les actes individuels pris par application et devenus définitifs ne disparaissent pas, et ne peuvent pas être annulés s’ils n’ont pas été attaqués dans les délais.

Toutefois, l’autorité administrative est tenue, sauf l’expiration des délais de recours, de faire droit à toute demande d’annulation d’un acte non réglementaire n’ayant pas créé de droits dès lors que l’intéressé invoque l’annulation d’un acte analogue pour illégalité du règlement dont il a été fait application.

Conséquences de l’annulation

L’annulation d’un acte individuel ou collectif le fait disparaître ; l’administration doit en tirer toutes les conséquences. Par exemple, l’annulation d’une nomination rend l’emploi vacant, l’annulation d’un tableau d’avancement oblige à le refaire, l’exclusion illégale d’un candidat vicie le concours et ses résultats ainsi que les nominations qui s’ensuivent.

Cette annulation n’a pas de conséquences rétroactives à l’égard d’autres actes devenus définitifs : l’annulation d’une nomination est sans influence sur les décisions prises par un fonctionnaire ou sur les procédures auxquelles il a participé.

L’annulation d’une décision n’interdit pas à l’administration de réexaminer le cas d’un fonctionnaire en corrigeant les irrégularités de forme et en rouvrant éventuellement une procédure contre l’intéressé, avec le même résultat.

Une annulation peut porter sur un des éléments d’une opération complexe : concours, intégration, reclassement, avancement.

Reconstitutions de carrière

Les annulations de décisions illégales entraînent souvent des reconstitutions de carrière : le propre des décisions de justice est d’être rétroactives. L’administration devant assurer à tous les fonctionnaires la continuité et le développement normal de leur carrière, le jugement la met dans l’obligation, sans même qu’elle soit sollicitée, d’opérer cette reconstitution de situation en tenant compte des possibilités sérieuses de carrière de l’intéressé, c’est-à-dire de ses chances d’intégration ou de promotion d’après la réglementation en vigueur, par comparaison avec d’autres fonctionnaires de la même catégorie. Le Conseil d’Etat exerce un contrôle de plus en plus étendu pour assurer le respect de l’ensemble de ces règles.

Pour l’avancement à l’ancienneté, l’autorité est tenue de le rétablir rétroactivement conformément à la réglementation en vigueur à l’époque. L’avancement au choix constitue un vrai droit pour le fonctionnaire dont la carrière est reconstituée et le juge oblige l’administration, par exemple, à remplacer un concours par une appréciation des notes et des titres de l’intéressé en vue de sa promotion.

Le fait que l’administration a déjà été condamnée à accorder une indemnité ne la dispense pas de réintégrer le fonctionnaire et de reconstituer sa carrière, même s’il n’est pas titulaire.

Sur recours éventuel de l’intéressé, la juridiction administrative appréciera si la reconstitution de carrière a eu lieu et a été suffisante ou non.

Validations législatives

Le gouvernement a souvent recours au législateur pour se faire autoriser à ne pas recommencer tout ou partie de l’opération annulée (validation rétroactive du résultat de concours, par exemple). Tout en reconnaissant que, sauf en matière pénale, la loi peut comporter des mesures rétroactives, le Conseil Constitutionnel a limité le pouvoir de régulariser rétroactivement la situation en déclarant contraire à la Constitution toute disposition législative privant de son effet une décision définitive revêtue de l’autorité de chose jugée : une nomination annulée ne saurait être validée, par opposition à une nomination seulement contestée.

Astreintes

Le refus d’exécuter une décision de justice (mandatement ou ordonnancement dans les quatre mois) expose l’administration à être condamnée à une astreinte, éventuellement d’office (voir ICI).