Exception d’illégalité et fonction publique

Contentieux : “action” et “exception”

Le contentieux est ouvert devant le juge administratif soit par la voie dite « de l’action », dans le délai de deux mois suivant la publication de l’acte réglementaire litigieux, soit par celle dite« de l’exception », au-delà du délai de deux mois.

Cette deuxième voie consiste en la contestation d’une décision prise en amont de celle contestée à titre principal (par exemple :contester la régularité d’un refus de droit de séjour à l’occasion d’un recours contre une notification d’obligation de quitter le territoire (CE n° 171201, 17 décembre 2017) ou par exemple,pour la fonction publique, la régularité d’une sanction disciplinaire eu égard à l’irrégularité de la délibération du conseil de discipline).

L’exception d’illégalité d’un acte individuel n’est en règle générale recevable que tant qu’il n’est pas définitif (CE n° 391663, 16 décembre 2016), c’est-à-dire dans le délai de recours pour saisir le juge : 2 mois à partir de sa notification ou publication.L’exception d’illégalité dans le contentieux de la fonction publique et la notion d’”opération complexe”Par contre, dans le cas des « opérations complexes » comme celles relatives à diverses opérations relatives à la carrière des agents publics (concours, avancement, discipline), l’exception d‘illégalité peut être soulevée au-delà du délai de recours.

Qu’est-ce qu’une « opération complexe ? »

C’est une opération qui comporte une série de décisions intermédiaires destinées à aboutir à un résultat final (le recrutement de fonctionnaires par exemple). Chacune de ces décisions intermédiaires marque l’achèvement d’une phase de l’opération, mais ne présente d’intérêt qu’au regard du but visé. Le juge consent à déceler une telle opération si et seulement si deux critères sont réunis :

  • d’une part, une opération complexe nécessite un « lien tel »entre la décision finale et les décisions qui la précèdent que leurs légalités respectives apparaissent comme indissociables ;
  • d’autre part, les décisions antérieures, dont on excipera de l’illégalité, ne doivent pas apparaître, aux yeux des administrés comme susceptibles d’un recours contentieux, donc comme leur faisant grief.

Exemples

Ainsi, à l’appui d’une contestation des résultats d’un concours,peuvent être invoquées les illégalités affectant les phases antérieures (liste des admis à concourir, liste des admissibles,choix des sujets d’épreuves…), pourvu que le requérant attaque dans les délais la décision qui pour lui est la dernière. Par exemple, un agent qui n’est pas admis à concourir doit agir dans le délai normal contre ce refus d’admission, sans attendre la publication des résultats.

La notion d’opération complexe a été étendue à d’autres procédures aboutissant à la nomination d’un fonctionnaire, par exemple l’établissement des listes d’aptitude :

 » Considérant que les sieurs X… et autres, bien qu’ils n’aient pas formé en temps utile de recours contre la liste d’aptitude au grade de directeur des services administratifs arrêtée par le maire de la Ville de Toulon le 28 décembre 1961,étaient recevables à contester la légalité de ladite liste à l’appui de leurs conclusions contre l’arrêté qui a promu le sieur Y… à ce grade » (CE 2 juin 1967, n° 62502).

Ainsi également de la sélection des professeurs d’université (CE 23 mars 1994, n° 104420, Feyel), l’opération complexe ne s’étendant cependant pas aux décisions postérieures à cette nomination :

“Considérant (…) que plusieurs personnes, qui n’étaient pas membres de la commission de spécialistes compétente pour se prononcer sur les candidatures de MM. Z… et Y…, ont assisté aux délibérations de ladite commission et ont participé aux premiers tours de scrutin organisés le 16 septembre 1988 ; qu’ainsi, (…),M. Y… est fondé à soutenir que la présence de ces personnes étrangères à la commission au cours des travaux de celle-ci a été de nature à vicier les opérations de la procédure de recrutement.”

Une décision de licenciement suivie d’autres décisions :

“ Un agent peut utilement exciper de l’illégalité de la décision de licenciement prise sur le fondement du II de l’article 45-5 du décret du 17 janvier 1986 à l’appui de ses conclusions dirigées contre les décisions prononçant son reclassement, le plaçant en congé sans traitement ou procédant à son licenciement en cas de refus de l’emploi proposé par l’administration ou d’impossibilité de reclassement au terme du congé de reclassement. La décision initiale de licenciement et les décisions ultérieures de reclassement, de placement en congé sans rémunération et de licenciement sur le fondement du V de l’article 45-5 constituant des éléments d’une opération complexe, le caractère définitif de la décision initiale de licenciement ne peut être opposé à cette exception d’illégalité.”(CE, 23 décembre 2016, n° 402500).

Procédures consultatives

Lorsqu’un organisme consultatif est »spécialement créé » en vue d’une opération déterminée, le recours contre les résultats de cette opération peut s’appuyer sur l’illégalité de la composition ou de la désignation des membres de cet organisme. Ainsi, à propos de la composition d’une commission administrative paritaire et d’une nomination décidée après consultation de cette commission : « Considérant (…) que la commission administrative paritaire était ainsi irrégulièrement composée lorsqu’elle a émis un avis sur les promotions et nominations dont s’agit ; qu’il s’ensuit que ces avis sont eux-mêmes intervenus dans des conditions irrégulières et que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, le sieur Y… est fondé à demander, par ce motif,l’annulation des arrêtes et décrets attaqués » ( CE, 13 juillet 1967, n° 65165 65166 65167)