Dossier du fonctionnaire : le droit à communication

Le dossier du fonctionnaire et au-delà, de tous les agents publics, obéit depuis le début du 20e siècle à des règles de neutralité et de transparence qui en font en principe un instrument de protection de l’agent. Chaque agent a le droit d’avoir connaissance de son dossier, et l’administration a l’obligation de le tenir selon certaines règles d’objectivité.

Le droit pour le fonctionnaire d’avoir été mis en mesure de présenter utilement sa défense avant de faire l’objet d’une sanction est l’une des principales garanties des agents publics.

La communication du dossier

Tout agent bénéficie du droit à consultation de son dossier individuel :

  • au titre de l’accès aux documents administratifs
  • dans le cadre d’une mesure prise en considération de la personne
  • au titre des garanties disciplinaires

Dans certains cas, l’administration doit informer l’agent de son droit à la communication de son dossier. Le droit à communication du dossier connaît des limites en cas d’abandon de poste ou de demandes abusives.

Bénéficiaires

Tous les agents publics (titulaire, stagiaire, non titulaire) quelle que soit la fonction publique à laquelle ils appartiennent (Titre I du statut général : loi 83-634 – art 18) et décret 86-83 du 17 janvier 1986 pour les non-titulaires.

Modalités

Le droit permanent d’accès de l’agent à son dossier

L’accès aux documents administratifs, et donc au dossier individuel, est organisé par le Titre III du Code des relations entre le public et l’administration. Le droit à communication dans ce cadre ne s’applique qu’à des documents achevés. Il ne concerne donc pas les documents préparatoires à une décision administrative en cours d’élaboration : par exemple un document médical élaboré dans le cadre d’une enquête administrative ou d’une expertise, tant que la décision correspondante n’est pas intervenue. La loi n’assortit le droit d’accès d’aucune condition de périodicité.

Toute personne a le droit de connaître les informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui sont opposées. Sur sa demande, ses observations à l’égard desdites conclusions sont obligatoirement consignées en annexe au document. Cela concerne les différentes positions administratives (disponibilité, détachement, etc), les demandes et attestations de formation, les documents relatifs à la discipline, etc. Un document touchant à la vie privée de plusieurs agents ou reflétant une appréciation portée sur eux, peut être communiqué à chacun après occultation des mentions relatives aux collègues, sauf si ces occultations dénaturent le document.

Le dossier médical fait l’objet d’un classement à part, et doit également être subdivisé en deux parties :

  • les éléments relatifs à l’aptitude physique de l’agent : les pièces fournies par l’agent (arrêts de maladie, demande de congé, certificat de grossesse, etc) ou les conclusions administratives des médecins figurent dans le dossier individuel de l’agent,
  • les autres documents, véritables pièces médicales (relevés d’examens, radiographies, diagnostics, etc), seront classés à part, auprès du secrétariat du comité médical par exemple ou encore du médecin de médecine professionnelle et préventive.

Le droit d’accès fondé sur la loi générale s’efface si une mesure en considération de la personne ou une procédure disciplinaire est engagée : dans ce cas, les dispositions de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 et les lois statutaires applicables à l’intéressé régiront l’accès de l’agent à son dossier (CE, 27 janvier 1982, n° 29738) jusqu’à ce que la procédure soit close, par prise de la mesure ou renoncement de l’administration à la prendre. Dans ce cadre, l’agent aura évidemment accès aux éléments préparatoires à la mesure envisagée.

Les mesures prises en considération de la personne

Le principe de communication du dossier avant toute mesure prise en considération de la personne a été posé par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905. Ce sont des décisions affectant négativement la carrière. Parmi elles :

  • le licenciement pour inaptitude physique
  • le licenciement pour insuffisance professionnelle et le non-renouvellement d’un contrat pour insuffisance professionnelle.
  • une mutation dans l’intérêt du service comportant changement de résidence ou modification de la situation de l’intéressé.
  • la diminution des attributions d’un agent placé en service à temps partiel thérapeutique.
  • la décision de placer un agent en congé de longue durée d’office exige que l’intéressé soit mis à même de contester en temps voulu les conclusions du médecin agréé.
  • la fin de détachement sur un emploi fonctionnel, s’il s’agit d’une décision prise en considération de la personne.

En revanche, n’ont pas à être précédées de la communication du dossier :

  • la décision de refus de titularisation en fin de stage ; elle n’a pas à être motivée et l’intéressé n’a pas à être mis à même de consulter son dossier. Même lorsque le refus est fondé sur la manière de servir et est pris en considération de la personne, l’agent n’est pas en droit de faire valoir ses observations, ni d’être informé de son droit à prendre communication de son dossier. (CE n°256879 du 3.12.2003).
  • le non-renouvellement du détachement, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire prise pour des raisons étrangères à l’intérêt du service, n’a pas à être précédé de la communication du dossier, ni à être motivé (CAA Bordeaux n° 98BX00926 du 20.12.2001). Une décision portant nouvelle affectation d’un agent, mais ne modifiant pas sa situation administrative et ne diminuant pas ses responsabilités (CE n° 215340 du 3.10.2001).

La communication lors de la procédure disciplinaire

L’agent à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes.

L’administration informe par écrit l’agent de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits reprochés et lui indique qu’il a le droit d’obtenir communication intégrale de son dossier individuel.

Ce droit permet la mise en œuvre d’une procédure contradictoire par laquelle l’agent pourra faire valoir ses observations. Le Conseil Constitutionnel a reconnu que « conformément au respect du principe des droits de la défense, lequel constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République, aucune sanction ne peut être infligée sans que l’agent ait été mis à même tant de présenter ses observations sur les faits reprochés que d’avoir accès au dossier le concernant ». (Décision constitutionnelle 88-248 du 17 janvier 1989). Une mesure de suspension n’a pas le caractère de sanction disciplinaire : mesure conservatoire, préparatoire à une décision, elle n’a pas à être précédée de la communication du dossier (CE, 87033, 87456 du 22.09.1993 / M. Sergene).

L’accès au dossier médical

Jusqu’en 2002, seuls les éléments administratifs (rapports d’expertise médicale, arrêté de placement en congé de longue maladie..) étaient directement accessibles.

La loi pose le principe selon lequel toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé (sauf cas d’urgence, d’impossibilité d’informer ou de refus du malade d’être informé) et accéder à son dossier médical (article L 1111-7 du Code de la santé publique).

Le dossier médical comprend les informations qui ont contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d’une action de prévention ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé.

Limites

La procédure d’abandon de poste ne requiert pas la communication préalable du dossier

L’agent doit avoir été mis en demeure de reprendre son service sous peine d’être radié des cadres. L’abandon de poste est une faute grave dont la sanction sera la radiation des cadres : le juge administratif considère que l’agent se met de lui-même hors du champ du statut donc de ses garanties. L’autorité administrative n’a pas besoin de respecter les droits de la défense (communication du dossier, principe du contradictoire, etc) : elle tire la conséquence de la volonté de l’agent de rompre son lien de travail.

Les demandes abusives

Sont considérées comme abusives les demandes qui traduisent, par leur caractère répétitif et systématique ou par leur nombre, une volonté de perturber le fonctionnement normal de l’administration. (cf. loi 78-753 du 17.07.1978 – art 2). Cependant, le caractère abusif d’une demande n’est retenu que si le demandeur a manifestement pour objectif de tourner l’esprit de la loi et d’entraver la bonne marche de l’administration. Ainsi la CADA a jugé abusive une demande de communication de documents trop nombreux ou trop volumineux, car trop générale et imprécise (par exemple, la communication de tous les arrêtés concernant les agents d’une commune). Par contre, elle a estimé que l’agent peut demander une copie sous forme informatique d’un document dont il a déjà obtenu une copie papier, dans la mesure où la forme informatique facilite l’exploitation du document. (Avis 19983576 du 19.11.1998).

Une demande peut être considérée comme abusive sur un point, mais recevable sur d’autres points. Lorsque aucune pièce nouvelle n’a été versée au dossier d’un agent, l’administration peut s’opposer à ce que celui-ci procède à une seconde consultation de son dossier individuel (CE n° 22807 du 3.07.1987).

Textes

  • Loi du 22 avril 1905, article 65 ;
  • Décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat.
  • Lettre FP n° 1430 du 5 octobre 1981 relative à l’application aux agents de l’État des dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, modifiée, relative à la liberté d’accès aux documents administratifs.