Discipline
La faute disciplinaire
Une faute commise dans ou à l’occasion des fonctions peut conduire à une sanction disciplinaire ou à une suspension, mesure conservatoire préalable à la procédure disciplinaire et durant laquelle le traitement continue à être versé, sans exclure éventuellement les peines prévues par la loi. Il appartient à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire d’établir si les faits qui ont justifié des condamnations pénales sont de nature à engager une procédure disciplinaire débouchant le cas échéant sur une révocation ou une autre sanction.
La procédure disciplinaire
La CAP siège en conseil de discipline : son avis n’est que consultatif, il ne lie pas l’administration. Le fonctionnaire a droit à communication de l’intégralité de son dossier individuel ainsi que du rapport disciplinaire. Il peut se faire assister des défenseurs de son choix. Comme l’administration, il peut faire citer des témoins.
Après avoir entendu le rapport disciplinaire ainsi que l’intéressé, le conseil de discipline délibère hors de la présence de ce dernier. Le président met aux voix la sanction la plus sévère parmi celles proposées. Si celle-ci ne recueille pas la majorité, les sanctions moins sévères sont successivement mises aux voix jusqu’à ce qu’une majorité se dégage. Si aucune majorité ne se dégage, le conseil est considéré comme ne s’étant prononcé pour aucune sanction. L’autorité ayant pouvoir disciplinaire a toute liberté pour prononcer une sanction. Elle doit informer le conseil des motifs de celle-ci. Une sanction, même légère, votée par le conseil, sera plus contraignante pour le pouvoir disciplinaire qu’une absence totale d’avis.
Les sanctions
Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes.
Premier groupe :
- Avertissement
- Blâme
- Exclusion temporaire de fonctions de 4 à 15 jours
Deuxième groupe :
- Radiation du tableau d’avancement
- Abaissement d’échelon à l’échelon immédiatement inférieur à celui détenu par le fonctionnaire
- Exclusion temporaire de fonctions de 4 à 15 jours
- Déplacement d’office
Troisième groupe :
- Rétrogradation au grade immédiatement inférieur, à l’échelon comportant un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par le fonctionnaire
- Exclusion temporaire de fonctions de 16 jours à 2 ans
Quatrième groupe :
- Mise à la retraite d’office
- Révocation
Parmi les sanctions du premier groupe, seul le blâme est inscrit au dossier du fonctionnaire. Il est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans, si aucune sanction n’est intervenue pendant cette période.
Les recours
Le fonctionnaire peut encore déposer un recours contentieux devant la juridiction administrative. Le juge contrôle désormais l’erreur d’appréciation, et pas seulement l’ »erreur manifeste d’appréciation ». Cela implique donc une forme de proportionnalité de la sanction à la faute.
L’inscription au dossier
Les sanctions prises contre les fonctionnaires sont inscrites dans leur dossier. Le blâme est effacé automatiquement au bout de trois ans si aucune autre sanction n’a été prononcée entre temps. Le fonctionnaire frappé d’une sanction disciplinaire autre que l’avertissement ou le blâme peut, après 10 ans de services à compter de la date de la sanction, demander au ministre l’effacement. Le ministre statue après avis du conseil de discipline.
Les sanctions déguisées
L’administration tente parfois de s’affranchir de la procédure disciplinaire en présentant comme de simples mesures d’organisation du service des mesures qui aboutissent par exemple à une diminution des responsabilités ou un changement d’affectation et constituent en réalité de véritables mesures disciplinaires. Un recours devant la juridiction administrative conduit normalement à leur annulation. par exemple : CAA de Marseille, 2 décembre 2019, N° 18MA02638.
La portée du contrôle juridictionnel
Le juge exerce désormais un contrôle normal et non plus restreint à l’ »erreur manifeste d’appréciation »
Le Conseil d’Etat (Conseil d’Etat, arrêt d’assemblée du 13 novembre 2013 n°347704) a estimé que les juridictions administratives devaient affiner leur contrôle et censurer non plus les seules disproportions manifestes (contrôle restreint dit de l’erreur manifeste d’appréciation), mais également les simples disproportions (contrôle normal de l’erreur d’appréciation) entre la gravité de la faute disciplinaire du fonctionnaire et la sévérité ou la clémence de la sanction disciplinaire.
Ainsi, le Conseil d’Etat a estimé dans l’arrêt cité ci-dessus que « il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ».
Jusqu’à cet arrêt, le juge administratif censurait seulement les sanctions manifestement trop sévères, ou manifestement trop clémentes.
Dans la plupart des configurations contentieuses, cette évolution devrait profiter à l’agent public, qui critique souvent le caractère trop sévère de la sanction qui lui a été infligée. Cet agent ne sera ainsi plus tenu d’établir que la sanction contestée est manifestement trop sévère, mais seulement qu’elle est trop sévère.
Comme souvent, c’est à l’occasion d’un arrêt de rejet que le Conseil d’Etat a fait évoluer sa jurisprudence.
Textes :
- Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 (statut général, titre 1er). Décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat.
- Circulaire FP 463 du 11 février 1960. Circulaire Budget n° 123/25/B5 du 7 octobre 1948 (frais de déplacement des agents traduits devant les conseils de discipline).
Jurisprudence
Le délai de 15 jours entre la convocation de l’agent et la réunion du conseil de discipline constitue une « garantie ».
Révoquée, la requérante a demandé sans succès aux premiers juges l’annulation de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée. Celle-ci a été prise à la suite d’un conseil de discipline qui s’est tenu le 27 juin 2014 et auquel elle avait été convoquée le 10 juin, par lettre recommandée retirée le 20 juin. Le juge d’appel, pour rejeter sa requête, avait relevé que l’intéressée aurait pu retirer sa convocation dans le délai réglementaire et que son employeur avait adressé à son avocat, le 19 juin, un courrier contenant l’information de la convocation, mais le Conseil d’État procède à la cassation : le délai réglementaire de quinze jours entre la convocation et la réunion du conseil de discipline constitue pour l’agent poursuivi « une garantie visant à lui permettre de préparer utilement sa défense», de sorte que sa méconnaissance entache la sanction d’illégalité. Il précise que la méconnaissance de ce délai a pour effet de vicier la consultation du conseil de discipline, sauf s’il est établi que l »agent a été informé de la date du conseil (CE, 24 juillet 2019, n° 416818). Le Conseil d’État avait déjà dans le passé estimé que le non-respect du délai de quinze jours entre la convocation de l’agent et la réunion du conseil de discipline devait entraîner l’annulation de la sanction disciplinaire (CE, 1″ mars 1996, n° 146854).
Le simple renvoi à un rapport disciplinaire ne suffit pas à motiver une sanction
Un agent de maîtrise d’un centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) a fait l’objet d’un déplacement d’office, à titre disciplinaire. Il forme un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de celle-ci. Ce recours est rejeté en première instance, mais l’agent obtient satisfaction en appel : la décision contestée, qui ne renseigne sur la nature des faits reprochés à l’agent qu’en renvoyant au rapport disciplinaire préalable à son édiction, est insuffisamment motivée. La CAA cite l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration: « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui : – infligent une sanction . » « La seule référence à ce rapport disciplinaire du 20 décembre 2013, qui n’était pas annexé à la décision en litige, n’exonérait pas le directeur du CROUS de l’académie de Versailles de l’obligation qui était la sienne d’énoncer les faits reprochés à l’intéressé et les raisons pour lesquelles il estimait que ceux-ci étaient de nature à justifier la sanction prononcée. » Le jugement de première instance et la décision sanctionnant le requérant sont annulés.
(CAA de Versailles, 15 novembre 2018, n° 17VE02255).
Une pratique comptable irrégulière mais tolérée ne justifie pas une révocation
Il est reproché à une fonctionnaire territoriale, directrice d’un centre communal d’action sociale (CCAS) d’avoir encaissé directement sur un compte bancaire personnel des sommes qui auraient dû l’être par un comptable public. Déclarée comptable de fait par la Cour des comptes en raison de cette pratique, elle a obtenu du tribunal administratif l’annulation de la sanction de révocation qui lui a été infligée pour ces faits. Le jugement est confirmé en appel : si les faits sont bien de nature à justifier une sanction disciplinaire, la circonstance, en particulier, que cette pratique n’avait pas été mise en place par l’intéressée et était connue et tolérée par la collectivité, conduit la cour à considérer que la sanction prononcée présente un caractère disproportionné.
(CAA de Nancy, 25 juin 2019, n° 17NC01162)
Des absences dont il n’est pas montré qu’elles ont gravement perturbé le fonctionnement du service ne justifient pas un licenciement disciplinaire
Un agent employé en CDI par une communauté urbaine est licencié pour faute grave en raison d’absences injustifiées. Il demande l’annulation de cette décision et le versement d’indemnités, ce que refuse le tribunal administratif. En appel, la CAA exerce le contrôle normal à l’égard de la sanction, devenu la règle en matière disciplinaire.Elle confirme l’existence de fautes en raison des absences répétées, mais considère que la sanction n’est pas proportionnée, notamment en ce que l’administration n’a pas précisé « en quoi les absences du requérant auraient gravement perturbé le fonctionnement du service ». La sanction est donc illégale et la responsabilité pour faute de l’administration est engagée.
(CAA de Douai, 22 novembre 2018, n° 18DA00107).
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Au fil des questions
Sursis
Un collègue déjà sanctionné par une exclusion temporaire de fonctions avec sursis partiel risque-t-il, s’il est de nouveau sanctionné, la révocation de son sursis ?
Le sursis sera révoqué uniquement si la seconde sanction est plus importante qu’une sanction du premier groupe (avertissement, blâme). « L’intervention d’une sanction disciplinaire du deuxième ou troisième groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de l’exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. En revanche, si aucune sanction disciplinaire, autre que l’avertissement ou le blâme, n’a été prononcée durant cette même période à l’encontre de l’intéressé, ce dernier est dispensé définitivement de l’accomplissement de la partie de la sanction pour laquelle il a bénéficié du sursis. » (loi 84-16, article 66).
Discipline et congé de maladie
Un collègue peut-il faire l’objet d’une poursuite disciplinaire alors qu’il est en congé de maladie ? Par ailleurs,l’administration peut-elle finalement renoncer aux poursuites entamées ?
Il faut se référer à la jurisprudence :« la procédure disciplinaire et la procédure de mise en congé de maladie sont des procédures distinctes et indépendantes ; que le ministre a pu légalement exercer l’action disciplinaire contre M. Y… alors même que celui-ci se trouvait en congé de maladie ; »(CE, 13 mai 1992, n° 106098). Le fait qu’il s’agisse d’un CLM ou d’un congé maladie ordinaire ne changera rien. Par ailleurs, rien n’empêche l’administration de renoncer à des poursuites disciplinaires : l’appréciation de la gravité de la faute est discrétionnaire.
Discipline : procédure
Une procédure disciplinaire est envisagée contre moi. Dois-je dès maintenant contacter les commissaires paritaires ?
Vous avez tout intérêt à consulter vos commissaires paritaires pour préparer votre défense en amont, voire arrêter si possible la procédure dans le cadre d’une démarche amiable.
Action disciplinaire et action pénale
L’administration est-elle liée par une sanction pénale ?
Non, mais la règle non bis in ibidem (on ne peut pas être jugé deux fois pour les mêmes faits) ne joue pas : l’action disciplinaire est d’une nature différente de l’action pénale (voir notre article).
Première sanction
Je voudrais savoir ce que l’on risque quand on passe devant le conseil de discipline pour la seconde fois.
Cela dépend de quoi il s’agit. La sanction éventuelle est liée à la gravité de la faute. Un comportement “de récidive”pourra être jugé plus sévèrement qu’une première faute,et dans certains cas entraîne la révocation du sursis. Dans tous les cas, l’administration est tenue de prononcer une sanction proportionnée.