Au printemps 2008, les personnels de la Culture s’étaient fortement mobilisés contre les conséquences prévisibles, redoutables et redoutées de la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Aujourd’hui, le ministère et ses agents frappés de plein fouet par cette «Restriction générale des politiques publiques», se remobilisent pour défendre le service public de la culture.

Où sont passées les bibliothèques ?

Le projet d’organigramme du ministère présenté par Christine Albanel au Comité technique paritaire ministériel (CTPM) du 18 décembre 2008 regroupe une dizaine de directions en trois (patrimoines, création artistique, médias et industries culturelles), complétées d’un secrétariat général. La direction du Livre et de la Lecture (DLL), tutelle de la Bibliothèque nationale de France et de la Bibliothèque publique d’information devient le service du Livre et de la Lecture, au sein de la Direction des médias et des industries culturelles. La DLL comportait un «département des bibliothèques publiques et du développement de la lecture». La nouvelle entité regroupe 4 départements «patrimoine et politique numérique, lecture, édition et librairie, tutelle et réseau». Les «bibliothèques» ont disparu de l’organigramme !

Mais doit-on s’étonner de la disparition des «bibliothèques» au ministère alors qu’un ancien ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon* considère que la question de la suppression du ministère de la Culture, lui-même «peut se poser». « Mais », précise t-il, visiblement avec regrets, la question est «politiquement taboue». «La France a développé un attachement quasi religieux pour ce ministère. Vouloir le bouger, c’est être accusé de brader la culture, d’être inculte, d’ouvrir la voie au libéralisme pur, dur et sans âme». (Le Monde, 29 décembre 2008). Comment ne pas s’étrangler de colère à la lecture de ces déclarations, alors qu’on assiste effectivement, pour les 50 ans du ministère, avec la réorganisation orchestrée par la RGPP, à son démantèlement !

Restrictions budgétaires et suppressions d’emploi

Le ministère compte environ 26 000 agents dont 11 900 fonctionnaires. Un millier de départs à la retraite sont prévus d’ici 2012. 670 suppressions d’emplois sont programmées pour les trois ans à venir (415 sur le budget de l’ État dont 249 à l’administration centrale, 255 sur celui des établissements publics).
Christine Albanel avait tenté de faire croire que les établissements publics relevant du ministère échapperaient à cette logique infernale. Il n’en est rien. En juin, la décision a été prise de leur imposer également la règle du non remplacement d’un départ à la retraite sur deux. En septembre, lors de la présentation du budget 2009-2010, le désengagement de l’État s’est confirmé avec l’annonce par la ministre d’une baisse des subventions aux établissements publics culturels, avec, à la clef, de lourdes conséquences sur les emplois qui disparaitront faute de supports budgétaires. En trois ans, la BNF devrait perdre 205 emplois (ETPT), 64 par le non-remplacement des départs en retraite : 141 (69 en 2009, 72 sur 2010 et 2011) par la réduction de la subvention (moins 5,2 millions d’euros en 2009).

Les personnels de la Culture se remobilisent

Le 4 décembre, plus de 400 agents de la Culture d’Ile de France ont réaffirmé avec force leur opposition au processus destructeur de la RGPP dans le hall des «Bons Enfants», siège parisien du ministère, à l’appel de l’intersyndicale Culture (CFDT, CFTC, CGT, FO, FSU, SUD, UNSA).
Le 18 décembre, à l’occasion du CTP ministériel qui devait traiter de l’avancement de la RGPP à la Culture, ils étaient nombreux, offensifs et déterminés sous la pyramide du Louvre.
De janvier à mars 2009, les nouveaux décrets d’organisation seront présentés aux instances paritaires. D’après le calendrier ministériel, la mise en œuvre de la réorganisation est prévue pour avril 2009. Derrière un paritarisme de façade, il s’agit pour la ministre de passer en force.

50 ans après la création du ministère, gageons que l’intersyndicale Culture ne manquera aucune occasion de mobiliser les personnels et d’amplifier la lutte contre la RGPP «pour la défense du service public culturel».

Béatrice Bonneau

* Jean-Jacques Aillagon a été de 1996 à 2002, président du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou; ministre de la Culture de 2002 à 2004