Déclaration de la FSU

Comité technique du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche du 15 janvier 2014

Déclaration liminaire de la FSU


La réunion du comité technique ministériel de ce 15 janvier est la première depuis près de neuf mois ! Cette longue vacance, à un moment où l’enseignement supérieur et la recherche sont en pleine évolution, est un problème en soi. Ce déficit de concertation est d’autant plus grave qu’on a beaucoup débattu, pendant cette longue vacance du CTMESR, des dispositions législatives et réglementaires concernant l’enseignement supérieur et la recherche, mais ce fut dans d’autres instances. Certes la concertation avec le personnel ne passe pas forcément par le comité technique ministériel, mais force est de constater que les débats qui ont eu lieu devant les commissions en principe compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat pour l’adoption de la loi relative à l’enseignement supérieur et la recherche, au printemps dernier, n’ont produit qu’un spectacle bien désolant. Le défaut de concertation, le refus systématique de prendre en compte, sauf superficiellement, les recommandations qu’avait fait passer la communauté universitaire aux Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche de 2012, ont conféré à ces auditions parlementaires l’allure d’un dialogue de sourds. Voilà ce qui arrive lorsqu’on esquive en permanence le dialogue social, ou qu’on cherche à l’encadrer de façon unilatérale, comme l’a fait le ministère début décembre en nous parachutant un « protocole » que nous n’avions le choix que d’accepter ou de refuser ! Protocole qui se donne des allures de négociation au titre de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 alors que son art 8bis ne prévoit de négociation qu’entre organisations syndicales et « autorités compétentes », ce que n’est pas la CPU ; Protocole poudre aux yeux puisque l’enveloppe catégorielle du MESR est vide, et qu’il vient après de longs mois où le ministère a abandonné des groupes de travail (personnels 2nd degré, tableaux d’équivalence des tâches,…) et qu’il ne nous répond quasiment pas sur les problèmes que nous soulevons, notamment à propos des non-titulaires ou de l’application de la loi Sauvadet.

Nous avons déjà protesté, lors du comité technique ministériel du 23 avril, contre l’absence de débat concernant ce qui était alors le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche. Madame la directrice générale des ressources humaines nous avait alors soutenu (comme le procès-verbal que nous allons approuver en fait foi) que l’analyse juridique menée par le ministère avait permis de conclure que ce projet de loi « ne comportait pas de dispositions statutaires sur les personnels ». Au lieu de considérer ainsi les choses par le petit bout de la lorgnette, le ministère aurait peut-être mieux fait de nous écouter, car nous avions des choses à dire. Nous avons tenté de les dire. Sur l’évaluation par exemple, la loi concerne bien directement les personnels puisque le 4° de l’article L114-3-1 du code de la recherche, qu’elle a créé, confie désormais au HCERES la mission « de s’assurer de la prise en compte, dans les évaluations des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche, de l’ensemble des missions qui leur sont assignées … ». De même le 5° confie au Haut conseil de l’évaluation le soin « de s’assurer de la valorisation des activités de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle dans la carrière des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Ce sont là des dispositions qui auraient évidemment dû être soumises au comité technique et il serait maintenant impensable que le décret d’application ne le soit pas.

Un peu d’attention à nos recommandations aurait éventuellement évité que nous soyons aujourd’hui en train de patiner pour la rédaction de ce décret d’application impossible. Impossible, sinon comment expliquer que ce texte, dont un premier projet avait été demandé au tandem Dardel-Pumain pour les premiers jours de décembre, soit encore dans les limbes ? Rédaction impossible, parce que dès qu’on s’attaque au décret d’application sur l’évaluation on s’aperçoit – nous avions prévenu – que la loi du 22 juillet est une mauvaise loi, trop brutale, trop loin du terrain, trop rigide, inapplicable, en matière d’évaluation, de façon simplement décente. Maintenant ce projet de décret doit être présenté au comité technique et nous devons avons la possibilité d’en discuter.

La loi du 22 juillet comporte d’autres dispositions statutaires concernant les personnels, qui sont peut-être encore plus graves. L’article 62 (créant le nouvel article L718-14 du code de l’éducation) dispose en effet que les agents des établissements membres des communautés d’universités et d’établissements « sont placés, pour l’exercice de leur activité au sein de la communauté d’universités et établissements, sous l’autorité du président de cette communauté ». Les chercheurs des EPST, qui n’étaient jusqu’ici sous l’autorité que de leur hiérarchie nationale, vont se retrouver demain matin sous l’autorité de chefs d’établissements locaux ! C’est une négation directe du statut de chercheur d’établissement public national. On voit bien la tendance : dévolution des moyens des organismes nationaux aux pseudo-méga-universités créées localement, affectation des personnels en leur sein, placement de ces personnels sous l’autorité des pseudo-méga-machins grâce à ce merveilleux article L718-14 qu’on nous a refilé en douce … Encore quelques tours de vis sur les dotations des EPST (qui effectivement baissent toujours …) et l’on pourra à bref délai préconiser de les dissoudre parce que, finalement, il ne serviront plus à rien ; ils ne serviront plus à rien parce qu’on leur aura coupé bras et jambes …

Ce coup du placement-surprise des chercheurs des EPST sous l’autorité des présidents des CUÉ n’est pas seulement une entourloupe faite au comité technique ministériel, c’est un très mauvais coup porté contre les statuts des personnels des établissements nationaux. Ce n’est malheureusement pas un coup isolé. La politique du gouvernement aujourd’hui, en matière d’enseignement supérieur et de recherche, n’est hélas, de façon beaucoup plus générale, que la continuation de la politique des gouvernements démolisseurs d’avant mai 2012. Pour redonner de l’élan à la recherche et à l’enseignement supérieur, il eût fallu, entre autres mesures de soutien, revaloriser franchement les carrières. Au lieu de cela on poursuit une politique de primes irrationnelle – politique dont nous allons discuter aujourd’hui le dernier avatar – qui ne récompense que quelques chanceux, désespère le plus grand nombre et détruit la cohésion sociale des établissements. La « culture de projet », si inadaptée à la recherche (car la recherche va vers l’inconnu et a besoin avant tout de liberté) est toujours la tarte à la crème du gouvernement.

L’austérité n’est pas une fatalité. Il y a toujours des milliards pour les projets pharaoniques, de Saclay en particulier. Ce projet, comme la visite sur place de Jean-Marc Ayrault en octobre – visite non pas à l’université mais dans une grande école – l’a montré, est au service avant tout des écoles d’ingénieurs. Le premier ministre leur promet immédiatement des rallonges budgétaires dès qu’elles pleurnichent à la perspective de ne plus avoir tout à fait assez de millions pour se construire à neuf des locaux somptueux. Pendant ce temps-là, les universités se serrent la ceinture !
L’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche et, partant, du pays, ne passe pas par ces opérations de bétonnage en faveur des nantis.

L’avenir du pays passe par les personnels, par les jeunes qu’il faut former en masse et, nécessairement, par les enseignants-chercheurs et chercheurs dont il ne faut pas tarir le recrutement. Le CTMESR est l’occasion de le dire : il faut remettre les personnels au centre des préoccupations de la gouvernance de l’enseignement supérieur et de la recherche. On s’égare à construire et à complexifier des systèmes toujours plus abstraits, qui hélas risquent de produire, et produisent déjà, des gaspillages bien concrets.
Nous avons besoin d’une politique nationale qui soutienne les forces véritables de l’enseignement supérieur et de la recherche dans notre pays et ne tourne pas le dos à l’avenir.

A Paris, le 15 janvier 2014.