Jeudi 1er février s’est tenue une grand-messe gouvernementale appelée Comité interministériel de la transformation publique. Ce fut l’occasion pour le gouvernement de dévoiler en pratique ce qu’il entend par « action publique 2022 ». Loin du renouveau vanté à grand renfort de communication médiatique, les annonces qui y ont été faites rappellent furieusement l’ensemble du catalogue des poncifs du libéralisme en matière de fonction publique. En ligne de mire, la manière dont le gouvernement entend supprimer en 5 ans les 120000 postes annoncés comme devant l’être, s’attaquer de front au statut de la fonction publique pour en saper les fondements à commencer par les garanties collectives, dégrader un peu plus les conditions faites aux personnels, faire régner le culte de l’individualisation… Tout cela sur fond d’abandon de missions, de services publics et donc d’un certain nombre de mécanismes de solidarité, de redistribution des richesses produites au profit de toutes et tous sous forme d’accès aux droits.

Florilège des principaux axes des mesures annoncées !

Un plan de reconversion pour les agents touchés par des abandons de missions.

Il convient tout d’abord de signaler, qu’au-delà de communication, ceci signifie que le gouvernement considère qu’il y a aujourd’hui des missions de service public et d’intérêt général qui seraient superflues ou qui devraient relever du marché et à la concurrence. Outre le fait que c’est faire bien peu de cas du travail des personnels qui les réalisent, c’est aussi considérer que les usagers qui en bénéficient devront demain payer comme de simples clients pour accéder à un service comparable.

Pour « reconvertir » les personnels touchés par le « plan de restructuration » annoncé, ce sont des recettes inspirées des pratiques de ressources humaines des grandes entreprises du CAC40. Des mobilités entre les versants de la fonction publique, accompagnée éventuellement d’une formation pour « recaser » les personnels dont le poste serait supprimé, sont bien entendu prévues. Pour autant, rien n’est dit sur le fait que les personnels pourraient maîtriser eux-mêmes l’orientation qu’ils souhaitent donner à la suite de leur carrière. Du reste, le statut des fonctionnaires prévoit explicitement depuis 1983 que l’accès des fonctionnaires aux autres fonctions publiques que celle dont relève leur grade est une « garantie fondamentale » de leur carrière. C’est par ailleurs un gage de dynamisme pour le service public. Puisque le fondement législatif existe de 35 ans, il y a donc autre chose ! Et cela est d’ailleurs précisé dans la deuxième partie de ce qui est annoncé à propos de cet « accompagnement renforcé en matière d’évolution de carrière » : le gouvernement annonce sans barguigner un plan « de départs de la fonction publique vers le secteur privé ».
Si d’aucuns en doutait, c’est bien le temps de la « vente à la découpe » qui est revenu.

Concernant le statut des fonctionnaires, aucune annonce précise, mais…

Certes le gouvernement n’annonce pas ex abrupto la fin du statut. Tout juste prétendrait-il le moderniser… Qu’on en juge !

Premier axe de « modernisation » : un recours massifié au recrutement non-titulaire en lieu et place de recrutement de fonctionnaire. En clair, il s’agit d’organiser la concurrence entre les types d’emplois publics. Cela a pour conséquence immédiate de réduire les emplois ouverts à la mobilité volontaire puisque ceux-ci sont en concurrence avec le recours au contrat. De plus, dans le contexte d’austérité budgétaire aggravée par la logique de la loi de Finances 2018 (baisse des recettes par une fiscalité moindre pour les plus riches), c’est une manière de rémunérer moins ces personnels contractuels puisque leur rémunération n’est pas par définition assise sur un déroulement de carrière selon l’ancienneté et encadrée par une réglementation s’appliquant à tous. Et, bien sûr, il sera possible de les licencier.

Dès lors, l’axe de mesures qui concerne les rémunérations coule de source : il est en effet annoncé une « rémunération plus individualisée » en réintroduisant le salaire au mérite, présenté cette fois comme individuel et collectif. On voudrait saborder les garanties en matière de rémunération et mettre les personnels non seulement en concurrence les uns avec les autres, mais en situation de se mettre eux-mêmes la pression qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Chacun sait pourtant que ce sont les agents qui, par leur investissement et leur sens du service public et de l’intérêt général, font le dynamisme de la fonction publique, sa grandeur et sa qualité. Les enquêtes d’opinion rappellent régulièrement l’attachement des citoyen.ne.s à celles-ci.

Enfin, et puisqu’il s’agit pour le gouvernement de dynamiter les garanties collectives, le gouvernement tire à boulets rouges sur l’égalité de toutes et tous devant l’accès aux droits et les politiques publiques chargées de les rendre effectifs. Pour cette raison, il entend réduire la portée de la disposition statutaire selon laquelle « les fonctionnaires participent par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l’organisation et au fonctionnement des services publics, à l’élaboration des règles statutaires et à l’examen des décisions individuelles relatives à leur carrière » (article 9 du titre premier du statut général des fonctionnaires). C’est le sens de l’orientation qui, à l’instar de ce qu’organise les ordonnances affaiblissant le Code du Travail dans le privé, prévoit de déconcentrer encore plus les lieux de dialogue social et de les « simplifier » : il s’agit de les soumettre aux hiérarchies locales et de d’affaiblir les réglementations nationales qui sont aujourd’hui un élément structurant du statut et des garanties collectives. Et les premières instances en ligne de mire sont les commissions administratives paritaires (CAP).

Dès lors, ce que les universités connaissent comme autonomie, avec tout ce que cela implique d’inégalités et d’insuffisance de moyens chroniques, est prévu d’être généralisé ! Comment lire différemment « Donner plus de souplesse pour les employeurs publics dans leurs recrutements », « Offrir plus de liberté, d’initiative et de responsabilité », « Garantir aux structures une réelle autonomie de gestion budgétaire dans l’allocation de leurs ressources de fonctionnement ».

Tout ceci ne vous rappelle rien ? Et pourtant, un certain Nicolas Sarkozy, Président de la République, avait déjà promis une telle contre-réforme en septembre 2007, dans son discours annonçant le Pacte « service public 2012 ». Les conséquences de la crise financière avaient tellement révélé le rôle essentiel des services publics pour protéger la population, les mobilisations des personnels avaient été suffisamment significatives, que le gouvernement d’alors d’aller jusqu’au bout …

Le SNASUB-FSU est déterminé à faire barrage aux sinistres desseins de ce gouvernement-ci en menant la confrontation idéologique avec les tenants de la marchandisation libérale des services publics et en construisant les conditions de la mobilisation unitaire des personnels.