Vie privée du fonctionnaire
L’atteinte à l’image de l’administration peut être sanctionnée
Le fonctionnaire, comme tous les citoyens, a droit à une vie privée (article 9 du Code civil : “Chacun a droit au respect de sa vie privée”). Comme les autres citoyens, l’agent public doit respecter les lois et règlements.
Mais l’agent public est soumis à une obligation de dignité dans sa vie personnelle qui, pour ne pas figurer dans les textes, constitue une exigence dont le non respect est susceptible de donner lieu à des poursuites disciplinaires et à des sanctions, et que la jurisprudence administrative fait respecter.
Des comportements inappropriés susceptibles de nuire à l’image de la personne publique et du corps auquel appartient le fonctionnaire peuvent être sanctionnés. Cette obligation d’intégrité et de dignité est exigée pour les agents dans l’exercice de leurs fonctions mais aussi dans le cadre de leur vie privée.
Les poursuites disciplinaires ne sauraient viser que des faits établis : ne peuvent servir de support à l’engagement d’une procédure disciplinaire une faute présumée ou des rumeurs (C.E., 7 septembre 1945, Morrie, Leb., p. 187). De manière plus spécifique, le Conseil d’Etat a jugé que la seule circonstance que l’agent se trouve sous le coup d’une information judiciaire n’est pas suffisante pour établir une faute disciplinaire (CE, 22 juin 1955, Nicolas, Leb., Tables, p. 732).
Par contre, une mesure de suspension peut se justifier par de faits présentant un caractère de vraisemblance et de gravité suffisantes (CE 28 juin 1993, n° 97496).
Le lien avec les condamnations pénales L’autorité de la chose jugée s’attache seulement à la constatation par le juge pénal de la matérialité des faits. Ainsi, si une décision du juge pénal intervient et que la matérialité des faits est remise en cause, l’agent pourra solliciter de son administration un réexamen de sa situation et contester un éventuel refus devant la juridiction administrative.
Même après condamnation pénale (pour propositions sexuelles à un mineur de 15 ans), la révocation peut être considérée comme trop lourde vu les circonstances de l’affaire (non passage à l’acte, suivi psychiatrique, absence de risque de réitération) (CAA de Lyon, 21 octobre 2014, n° 13LY01162). On peut y voir la conséquence de la jurisprudence Dahan (CE,13 novembre 2013, n° 347704) qui accroît l’indépendance du juge administratif dans le contrôle de la sanction.
Les actes de violence commis par un fonctionnaire en dehors de son service mais dont le caractère public a un effet néfaste sur son administration sont assurément des fautes disciplinaires. Ainsi la révocation d’un fonctionnaire de police qui a, au cours d’un repas de mariage, proféré des menaces de mort et porté des coups à son épouse est justifiée : “manquement grave aux obligations des agents des services actifs de la police nationale” (CAA Bordeaux 11 janvier 1996, 94BX00308).
La délinquance commise par les fonctionnaires à titre privé peut également servir de fondement à des poursuites disciplinaires. Le fonctionnaire qui a un genre de vie incompatible avec le caractère de son emploi peut faire l’objet de sanction disciplinaire. Par exemple, révocation, eu égard à la gravité des faits commis et leur incompatibilité avec les fonctions exercées, d’un policier ayant fait usage de haschich et d’héroïne achetés à des personnes dont il connaissait l’identité et qu’il n’a pas dénoncées (CE 21 juillet 1995 n° 151765).
Il appartient au fonctionnaire de ne pas se compromettre avec des fréquentations douteuses. Exemple : porte atteinte au bon renom de l’administration l’adjoint administratif qui se livre au proxénétisme (CE, 19 décembre 1970, n° 79732). Autre exemple : révocation d’un inspecteur des impôts pour avoir entretenu des relations avec des trafiquants d’alcool, incompatibles avec l’honneur professionnel (CE 13 décembre 1968 n° 72443).
Lorsque l’administration veut sanctionner un fonctionnaire pour des faits relatifs à sa vie privée, il faut que ces faits ne soient pas dépourvus de tout lien avec le service, c’est-à-dire que la gravité des faits doit justifier en elle-même la sanction disciplinaire ou que cette dernière doit être justifiée par l’atteinte à la réputation professionnelle. La gardienne de la paix qui a tourné dans un film X moyennant rétribution et a autorisé la distribution du film dés lors qu’”aucune référence ni mention n’a été faite dans les films litigieux à la qualité professionnelle de Mme X… et que par ailleurs, la fonction policière n’a été, en aucune façon, dans lesdits films mise en cause ni tournée en dérision” ne méritait pas la révocation mais une sanction moins importante (CAA Paris, 9 mai 2001, n° 99PA00217).
L’administration ne doit pas s’ériger en censeur moral Toutes ces affaires illustrent les limites à respecter par l’autorité disciplinaire en cas de faute commise en dehors du service. Lorsque l’administration s’érige en censeur moral en dehors de toute considération liée au service, le juge administratif censure. Le pouvoir disciplinaire cesse donc lorsqu’est en cause la sphère purement privée du fonctionnaire. Ainsi un gendarme a été sanctionné à tort pour avoir entretenu une liaison avec l’épouse de l’un de ses collègues qui était parti assurer l’ordre public en Nouvelle Calédonie (CE 15 juin 2005, n° 261691).
Notons enfin qu’un certain nombre d’activités privées sont interdites (article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983), même si elles sont à but non lucratif :
- Participation aux organes de direction de sociétés ou d’associations assujetties à la TVA.
- Consultations, expertises ou plaidoiries en justice dans les litiges intéressant une personne publique, sauf au profit d’une personne publique.
- La prise dans une entreprise soumise au contrôle de l’administration à laquelle ils appartiennent ou en relation avec cette dernière, d’intérêts de nature à compromettre leur indépendance.
Concernant le cumul d’activités, voir le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activité, et la circulaire n°2157 du 11 mars 2008 relative au cumul d’activité des agents publics.