La loi sur la mobilité à été votée pendant les congés d’été, tout comme la loi LRU avant elle. Cette loi s’ajoute aux nouvelles prérogatives des présidents d’universités dans le cadre de l’autonomie des établissements et de la déconcentration de la GRH et pourrait malheureusement conduire à encore moins de mobilité choisie dans l’enseignement supérieur.

L’autonomie des universités est incompatible à plus ou moins long terme avec le maintien des corps nationaux, ou du moins elle imposera des dérogations majeures aux règles de la fonction publique d’Etat et notamment la remise en cause du rôle des CAP.

La loi sur la mobilité prévoit la possibilité de telles dérogations pour les personnels des établissements publics comme pour les corps interministériels. C’est la porte ouverte à la fin de nos statuts actuels, notamment pour tout ce qui concerne le recrutement, la mobilité et les promotions. De nombreuses pièces du puzzle sont déjà en place.

– Autonomie, politique GRH, pouvoir des présidents :
La politique d’exception est déjà incarnée par le droit de veto accordé par la LRU aux présidents d’universités sur les affectations dans « leurs » établissements. Plus largement, pour contourner l’avis des CAP au moment des mutations de l’ASU, les universités bloquent les emplois en les classant en « poste à responsabilité particulière » (PRP ). Résultat c’est un frein supplémentaire au droit à mutation des agents.
Par ailleurs, le recrutement direct sur un profil de poste spécifique (sans concours en catégorie C, ou avec concours en catégorie A pour les ITRF) ne favorise pas non plus la mobilité future.

– Primes et masse salariale :
L’éclatement des repères de rémunérations risque aussi de freiner la mobilité. Ainsi, la politique indemnitaire constitue une dimension à prendre en compte lors d’un changement d’établissement du fait de la disparité des montants versés (comme c’est déjà le cas aujourd’hui entre ministères). Les primes pourront même devenir un élément de négociation lors d’une nouvelle affectation, du moins sur des postes d’encadrement ou à forte technicité.
Autre effet pervers que l’on voit s’esquisser ici ou là : avant de « recruter » par mutation ou détachement, les établissements vont désormais regarder l’impact sur leur masse salariale. Voilà de quoi décourager celles et ceux dont la carrière est « trop » avancée et craindre la transformation de certains postes dans des grades moins élevés.

– Encore moins de mobilité pour les personnels
La situation des personnels BIATOS dans l’enseignement supérieur était déjà très diverses selon la filière. Les évolutions seront donc perçus différemment aussi, notamment quant au rôle et au devenir des commissions paritaires dans l’organisation des mutations. Mais contrairement aux annonces, les personnels auront dans l’ensemble moins de possibilités de muter selon leurs choix qu’auparavant avec l’individualisation de la mobilité : les personnels administratifs et ceux des bibliothèques perdraient beaucoup si le mouvement n’était plus examiné en CAP, l’intervention des élus permettant très souvent d’augmenter le nombre de demandes satisfaites.

On peut aussi pronostiquer sans grand risque malheureusement que la remise en cause du mouvement et de la prise en compte des critères géographiques et familiaux affecterait plus durement les femmes que les hommes.

Même les personnels ITRF, qui ne disposent toujours pas d’un mouvement organisé, n’auront rien de plus, la situation s’étant même dégradée depuis la fin de la campagne périodique de mutation et son remplacement par un système de bourse à l’emploi, que seul le SNASUB a combattu et qui est un échec total.

Par ailleurs, dans un système de réduction drastique d’un emploi vacant sur deux dans la FP, les mutations dans un autre secteur seront d’autant plus difficiles à obtenir.

– Une mobilité forcée, qui sert surtout aux restructurations
Comme dans toute la fonction publique, la loi sur la mobilité fournit au ministère et aux établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche un outil pour individualiser le traitement des agents qui s’articule très bien avec la logique RGPP dans le cadre des restructurations et des mutualisations des services. Ce sera une mobilité imposée aux personnels dans une logique uniquement comptable. C’est également la possibilité de se «débarrasser» de certains agents qui au bout de trois propositions faites par l’administration pourront en cas de refus être licenciés.
De quoi motiver notre refus de laisser faire !

Marie Ganozzi et Bernard Teissier