Sanction disciplinaire et sanction pénale
Le droit disciplinaire est autonome par rapport au droit pénal. La répression disciplinaire et la répression pénale s’exercent donc distinctement.
Cela a pour conséquence qu’un même fait peut justifier à l’encontre du même agent une sanction pénale et une sanction disciplinaire. Et par ailleurs que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire n’est pas liée par la décision intervenue au pénal, sauf pour ce qui concerne la constatation matérielle des faits.
De quels faits s’agit-il ?
Les faits commis dans l’exercice des fonctions (des manquements graves aux obligations professionnelles et engageant la responsabilité pénale), mais aussi certains faits commis en dehors du service (en cas d’atteinte à la réputation du service, ou de faits dont la gravité est incompatible avec l’exercice des fonctions).
Une infraction pénale sans lien avec les fonctions et ne nuisant pas à la réputation de l’administration, ne peut pas justifier à elle seule une révocation ou une autre sanction disciplinaire. A l’inverse, le classement sans suite d’une information pénale ne lie pas l’appréciation de l’Administration.
L’indépendance des deux procédures
La sanction disciplinaire (blâme, rétrogradation…) et la sanction pénale (amende, prison…) ne sont donc pas liées.
L’autorité administrative ou le conseil de discipline peuvent décider d’attendre la décision définitive du juge pénal, mais ce n’est pas une obligation. Le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984, relatif à la procédure disciplinaire, prévoit que “ Lorsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites devant un tribunal répressif, le conseil de discipline peut, à la majorité des membres présents, proposer de suspendre la procédure disciplinaire jusqu’à l’intervention de la décision du tribunal. Si, néanmoins, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire décide de poursuivre cette procédure, le conseil doit se prononcer dans les délais précités à compter de la notification de cette décision.”
Limites de cette indépendance
1° Certaines condamnations entraînent la révocation du fonctionnaire, sans que le conseil de discipline ait besoin de se prononcer. La suspension ou la mutation sont alors impossibles.
C’est notamment le cas si l’infraction :
- est inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire (voir ici),
- et est incompatible avec l’exercice de ses fonctions (par exemple, un enseignant condamné pour agression sexuelle sur un mineur).
2° D’autres sanctions pénales rendent impossible le maintien dans la fonction publique :
- la déchéance des droits civiques,
- la déchéance de la nationalité française,
- l’interdiction d’exercer toute fonction ou emploi public.
3° Lorsque la déchéance ou l’interdiction est temporaire, le fonctionnaire peut solliciter auprès de l’autorité ayant pouvoir de nomination sa réintégration à la fin de sa peine.
L’agent condamné à une peine de prison ferme n’est pas obligatoirement révoqué, s’il ne se trouve pas dans l’une des situations mentionnées ci-dessus (§ 1 et 2).
4° L’agent poursuivi pénalement peut être suspendu :
- en attendant son procès. Dans ce cas, il bénéficie du maintien de sa rémunération principale (traitement et certaines indemnités). C’est la solution qui sera généralement retenue surtout lorsque la matérialité des faits est contestée.
- en cas de détention provisoire pour permettre à l’agent de percevoir son traitement. En revanche, si aucune mesure de suspension n’est prononcée, l’agent détenu ne percevra plus de rémunération (pour service non fait).
Après suspension en cas de poursuites pénales, le rétablissement dans les fonctions avec un dispositif de reclassement provisoire est devenu le principe avec la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 (articles 26 et 30). Auparavant, en cas de poursuites pénales, l’administration pouvait prolonger la suspension aussi longtemps que durait la procédure pénale.
5° Certaines peines complémentaires, comme l’interdiction de travailler avec des mineurs, ne permettent plus l’exercice de certaines fonctions comme l’enseigne-ment. Cette interdiction peut être temporaire ou définitive. Dans ce cas et même en cas de maintien dans la fonction publique, l’agent devra être muté.
6° L’autorité de la chose jugée s’attache à la matérialité des faits (et à elle seule). Si une décision du juge pénal met en cause cette matérialité, l’agent pourra demander à son administration un réexamen de sa situation. En cas de relaxe ou d’acquittement, le juge administratif pourra, même seulement en appel ou casssation, prendre en compte la décision du juge pénal. Mais seulement eu égard à la matérialité des faits et non à leur qualification pénale. C’est également vrai bien sûr lorsque la sanction intervient après le jugement pénal.
7° Le délai de 3 ans, dans lequel l’administration est désormais enfermée pour entamer une action disciplinaire, est interrompu en cas de poursuites pénales.