Obligation de réserve

L’obligation de réserve, notion absente de la loi, peut se définir comme l’obligation pour le fonctionnaire d’exprimer avec modération ses opinions, notamment politiques. Le Conseil d’Etat a dégagé une jurisprudence tendant à concilier la liberté d’expression et l’“intérêt du service. Si l’obligation de réserve contribue à garantir l’impartialité de l’administration, elle est trop souvent un alibi de l’autoritarisme.

Impartialité

Le principe de neutralité implique l’impartialité dans l’exercice des fonctions, condition sine qua non de l’égalité de traitement des administrés, et donc quelques restrictions à la liberté d’expression du fonctionnaire. La faute commence avec le comportement « susceptible d’entraver le fonctionnement du service public ».

L’obligation de réserve s’impose à tous les agents publics.

L’expression des opinions doit être compatible avec les devoirs de la fonction. L’obligation de réserve et de neutralité est aggravée dans certains cas : le Conseil d’Etat accepte que l’obligation de réserve soit plus lourde pour les hauts fonctionnaires. Elle s’impose de façon stricte aux magistrats et aux policiers.

La réserve demandée aux candidats à la Fonction publique – même pour des faits très antérieurs à leur candidature – pose problème : imposer une obligation de fonctionnaire à des personnes qui ne le sont pas constitue une atteinte sérieuse à leur liberté d’expression.

Citoyenneté

Par ailleurs, l’absence de définition générale de l’obligation de réserve, le flou de ses contours, conduisent le fonctionnaire, dans l’incertitude, à une autocensure qui peut aller au-delà de l’obligation de réserve imposée par la jurisprudence.

Le juge, qui sanctionne les manquements à la réserve, doit éviter l’écueil qui consisterait à « neutraliser » le fonctionnaire, à en faire un citoyen de seconde zone. Limite à la liberté d’expression du fonctionnaire, l’obligation de réserve ne conduit en effet pas pour autant à imposer un conformisme.

Le principe de citoyenneté inspire le statut de 1983-1984. Il n’est fait référence dans la loi « ni à la liberté d’expression, ni à l‘obligation de réserve dont cette liberté est nécessairement assortie » (cf. exposé des motifs). Le gouvernement craignait que l’inscription de cette obligation dans la loi conduise à une rigidification de la jurisprudence et à une limitation excessive de la liberté d’expression. A l’inverse, le régime de Vichy avait fait figurer cette obligation dans le statut …

L’obligation de réserve doit rester une obligation de forme : un glissement vers le fond de l’opinion exprimée conduirait à une obligation de conformisme, à une orthodoxie officielle.

Résistance à l’autoritarisme

Les rapports de forces contribuent largement à tracer les contours du cadre juridique : les slogans criés dans une manifestation seraient, dans un cadre où l’agent serait plus isolé, considérés comme un manquement au devoir de réserve.

Le syndicalisme a imposé une atténuation considérable du devoir de réserve pour les représentants du personnel : il est un combat, incompatible avec un rapport de subordination. Le Conseil d’Etat accepte que les syndicalistes soient soumis à l’obligation de réserve, mais à un degré qui n’entrave pas l’exercice de leurs fonctions syndicales. Toutefois , l’obligation subsiste et frappe les intérêts étrangers aux intérêts professionnels, ceux d’ordre politique. Il a été constaté que toutes les sanctions prises pour manquement à l’obligation de réserve l’ont été à l’égard de fonctionnaires qui avaient manifesté leur opinion en faveur de l’opposition.

Le risque permanent existe que l’administration recoure à cette qualification juridique pour justifier son autoritarisme. L’obligation de réserve peut être utilisée comme une machine de guerre contre les libertés individuelles et même collectives. Le flou de la notion fait que la vigilance s’impose. Les obligations imposées aux fonctionnaires, si elles sont excessives, ne menacent pas seulement leurs droits, mais aussi ceux des administrés. L’obsession du secret, qui illustre une certaine tradition administrative française, ne correspond pas aux attentes croissantes de démocratie et de transparence.

Secret professionnel et discrétion professionnelle

A la différence de l’obligation de réserve, qui est une limitation dans l’expression des opinions, le secret professionnel impose de ne pas divulguer des informations sur des personnes dont l’agent public a connaissance de par ses fonctions, et la discrétion professionnelle concerne les informations sur le fonctionnement de l’administration (article 26 de la loi 83-634 du 13 juillet 1983).

Pour aller plus loin

Les fonctionnaires, citoyens de plein droit, interview de Anicet Le Pors, Le Monde 1er février 2008

La réserve du fonctionnaire, un droit, une obligation, une valeur ? (Les cahiers pédagogiques, décembre 2006)

Dans une réponse ministérielle du 30 janvier 2007, le ministre de la Fonction publique précise les conditions dans lesquelles les fonctionnaires peuvent tenir un blog sur Internet

Des précédents qui ont fait jurisprudence