Mesures d’ordre intérieur

Les mesures dites “d’ordre intérieur” désignent des actes de l’administration que le juge administratif considère -parce qu’ils sont de peu d’importance- comme non susceptibles de recours.

Cette notion jurisprudentielle aux contours évolutifs regroupe des actes non décisoires (certaines circulaires et directives) mais également « de véritables décisions, dont la faible importance pratique et la minceur juridique ont paru justifier qu’elles ne puissent faire l’objet de débats devant la juridiction ».

Constituent des mesures d’ordre intérieur celles qui n’affectent ni les prérogatives, ni les droits statutaires de l’agent et qui ne portent atteinte ni à sa situation pécuniaire, ni à ses perspectives de carrière.

Il en va ainsi notamment de certains changements d’affectation (ou mutations) ou du refus de procéder à ceux-ci.

Dans un arrêt n° 373893 du 15 avril 2015, le Conseil d’État juge que l’existence d’une discrimination exclut qu’une décision relative à la situation d’un agent public puisse être qualifiée de mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours (mais la discrimination doit être établie : “Mme A… n’apporte pas des faits précis et concordants de nature à faire présumer (…) que les décisions qu’elle conteste reposeraient sur une discrimination en raison de son engagement syndical”).

La mesure d’ordre intérieur ne portant pas grief à l’agent n’a pas à respecter un formalisme particulier, pas de motivation, pas de communication du dossier à l’agent, pas de mise en œuvre d’une procédure disciplinaire.

En qualifiant une mesure de “mesure d’ordre intérieur”, l’administration tente parfois de s’exonérer des garanties statutaires : communication du dossier administratif, mise en œuvre d’une procédure disciplinaire ; ces mesures obligatoirement mises en œuvre en cas de sanction ou lorsque la décision est prise en considération de la personne mais ne sont pas nécessaires en cas de mesure d’ordre intérieur.

Une mesure d’ordre intérieur peut parfois être prise au nom de l’intérêt du service…

La décision de changement d’affectation peut être motivée par un simple but d’organisation du service. Ainsi du transfert d’un infirmier d’une unité de soins vers une autre au sein d’un même établissement hospitalier (Conseil d’État, 7 juillet 2008, n° 295944).

… mais si elle est prise en considération de la personne des garanties particulières existent.

Parfois, la décision prise dans l’intérêt du service peut se révéler être une décision prise en considération de la personne et donc pour laquelle des garanties comme la possibilité de communication du dossier s’imposent :

“Considérant qu’alors même qu’elle a été prise dans l’intérêt du service, la décision attaquée résulte, de la part de l’autorité hiérarchique, d’une appréciation du comportement général de l’agent, et est donc intervenue en raison de considérations tenant à la personne de l’intéressée ; que, par suite, celle-ci ne pouvait légalement être prise sans que Mme A ait été mise à même de demander la communication de son dossier en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905”. (Conseil d’État, 28 décembre 2005, n° 267646).

Compte tenu des raisons liées au comportement de l’agent et à ses aptitudes, le Conseil d’Etat considère en l’espèce que le changement d’affectation n’est plus une mesure d’ordre intérieur. Elle peut donc être contestée devant le juge.

Une mesure prise dans le but de sanctionner n’est pas une mesure d’ordre intérieur

C’est le cas d’un changement d’affectation décidé dans un but punitif (CAA Paris, 16 juillet 2015, n° 14PA03692 :

“il est établi que cette décision a été prise dans un but punitif ; que, par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé, d’une part, que le changement d’affectation de M. D…devait être regardé comme une sanction disciplinaire déguisée”.

Elle relève en effet alors du droit disciplinaire et non plus de la simple organisation du service.

Même justifié par l’intérêt du service, un changement d’affectation ne doit pas porter atteinte aux droits et garanties statutaires.

Dans un arrêt n° 372624) du 25 septembre 2015, le Conseil d’État a jugé, de façon très nuancée, que l’agent concerné n’avait pas fait l’objet d’une sanction disciplinaire ou d’une décision prise en considération de sa personne -bien que “prise pour des motifs tenant à son comportement”- aux motifs que la mesure ne diminuait pas ses responsabilités, n’entrainait pas de perte de rémunération, intervenait dans la même commune, ne portait pas atteinte à ses droits statutaires ni à une liberté fondamentale jugeant ainsi la requête irrecevable :

“ (…). Considérant que les mesures prises à l’égard d’agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours ; qu’il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent perte de responsabilités ou de rémunération ; que le recours contre de telles mesures, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable ;

“ (…). Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme B…, contrôleur du travail en fonction à la section d’inspection du travail C… de la direction régionale (…) a été affectée, par la décision contestée du 23 août 2013, à la section … de cette direction ; que la mesure a été prise, dans l’intérêt du service, en vue de mettre fin à des difficultés relationnelles entre Mme B… et plusieurs de ses collègues ;

“ (…). Considérant, en premier lieu, que ce changement d’affectation, qui ne présente pas le caractère d’une sanction disciplinaire déguisée et dont il n’est ni démontré ni même soutenu qu’il traduirait une discrimination, n’a entraîné pour Mme B… ni diminution de ses responsabilités ni perte de rémunération ; qu’en second lieu, il est intervenu au sein de la même commune et sans que soit porté atteinte aux droits statutaires ou aux droits et libertés fondamentaux de la requérante ; que, par suite, et alors même que cette mesure de changement d’affectation a été prise pour des motifs tenant au comportement de celle-ci, elle présente le caractère d’une mesure d’ordre intérieur, qui ne fait pas grief et n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ;” (rejet).