Le principe du contradictoire et ses applications

Le principe du contradictoire, qui permet à chacune des parties de connaître les demandes de son adversaire et les oblige à communiquer tous les éléments et les pièces dont elles disposent, afin de les soumettre à la critique et de préparer leur défense, s’impose tant dans les procédures contentieuses que dans les procédures disciplinaires Il trouve aussi son application dans les décisions administratives individuelles.

En matière contentieuse

Le juge doit lui-même observer ce principe et veiller à son respect par les parties.

Le Conseil d’Etat a érigé ce principe en principe général du droit, à valeur constitutionnelle. L’arrêt Veuve Trompier Gravier du 5 mai 1944 expliquait déjà que le droit de la défense intégrant la contradiction constituait une règle générale de procédure.

Les parties doivent être informées des modifications du sens des conclusions du rapporteur public

Le Conseil d’État précise que le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions, envisage de modifier sa position doit, à peine d’irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement.

Par suite, l’intervention, après une première mise en ligne par le rapporteur public du sens de ses conclusions dans l’application Sagace, d’une nouvelle mise en ligne modifiant le sens de ces conclusions, sans que les parties soient informées de ce qu’un nouvel élément est intervenu dans cette application, ne met pas ces dernières en mesure de connaître le sens des conclusions du rapporteur public et méconnaît, en principe, l’article R. 711-3 du code de justice administrative.

Dans le cas qui lui était soumis, la méconnaissance de l’article R. 711-3 du code de justice administrative n’a toutefois pas été retenue par la haute juridiction, au motif que le rapporteur public avait, pendant l’audience, prononcé des conclusions dont le sens était conforme à celui mis en ligne sur l’application Sagace la première fois et dont avait eu connaissance les parties. Dès lors, la méconnaissance des modifications du sens des conclusions du rapporteur public par les parties n’a pas entaché leur droit à l’information (CE, 4 mai 2016, n° 380548).

Production postérieure à la clôture de l’instruction : le juge peut réouvrir l’instruction

La note en délibéré est un document communiqué par l’une des parties à une instance, au président de la juridiction, entre la clôture des débats et le prononcé du jugement. Il s‘agit d’un acte de procédure dans le but de préciser un point de droit ou de répondre à un moyen soulevé par le ministère public. En matière de contentieux administratif, elle est régie par l’article R. 731-3 du code de la justice administrative.

L’instruction est réouverte, pour permettre le respect du principe du contradictoire, si la note en délibéré contient :
- l’exposé d’un fait nouveau, si la partie qui l’invoque n’était pas en mesure d’en faire état lors de l’instruction, et dont l’absence de connaissance est susceptible de fonder la décision du juge sur des faits matériellement inexacts ;
- l’exposé d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office.

Le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l’instruction qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci : si « l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d’irrégularité de sa décision ». En l’espèce, le Conseil d’État a jugé que la cour administrative d’appel de Nancy n’a pas entaché son arrêt d’irrégularité en refusant de rouvrir l’instruction après l’enregistrement du mémoire de l’une des parties au procès, car il ne ressortait pas de cette production tardive que le requérant « n’aurait pas été en mesure d’en faire état avant la clôture de l’instruction ». (CE, 20 janvier 2016, n° 365987).

En matière disciplinaire

Par un jugement du 11 mars 2015, le Tribunal administratif de Lyon juge que, dans le cadre d’une procédure disciplinaire devant un Conseil de discipline de la fonction publique, le principe du contradictoire implique nécessairement que le fonctionnaire puisse prendre connaissance de témoignages présentés au cours de la séance, et ce quand bien même les témoins refuseraient la présence de l’intéressé (Tribunal administratif de Lyon, 11 mars 2015, n° 1201267).

Dans cette affaire, le Conseil de discipline en question avait émis un avis en entendant plusieurs témoins hors la présence du fonctionnaire poursuivi. Pour rendre son avis, le Conseil de discipline s’était fondé sur ces témoignages verbaux. Si l’administration faisait valoir que l’agent poursuivi aurait librement accédé à la demande des témoins de ne pas être entendus en sa présence, l’intéressé contestait quant à lui avoir donné un tel accord. Le Tribunal relève en outre que rien ne s’opposait à ce que ces témoignages soient éventuellement retranscrits par écrit par les témoins en question. En tout état de cause, le Tribunal considère que l’agent poursuivi ne pouvait être regardé comme ayant été mis en mesure d’assister aux auditions des témoins, ce qui caractérisait une atteinte aux droits de la défense et une violation du caractère contradictoire de la procédure entachant d’irrégularité l’avis rendu par le Conseil disciplinaire et, par voie de conséquence, d’illégalité la décision de révocation prise ensuite à l’encontre de cet agent. Dans ce cadre, le Tribunal a considéré que la décision contestée devait être annulée.

Sur la procédure disciplinaire, voir aussi le décret n°84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat.

En préalable aux décisions individuelles

Prévu par la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, mais les dispositions de celle-ci ne s’appliquent pas aux relations de l’administration avec ses agents. Ceux-ci ont cependant les moyens de faire respecter ce principe en cas de contentieux (voir ci-dessus en matière disciplinaire)