Intérêt du service
Cette notion, omniprésente dans le droit de la Fonction publique (on parle aussi de « nécessité de service »), correspond à la notion d’intérêt général, justification de l’action administrative. Elle illustre le caractère inégalitaire du lien d’emploi qui naît de relations régies par le droit public : il n’y a pas contrat, l’agent public se trouve dans une situation définie par des lois et règlements, et de ce point de vue en position d’inégalité, d’infériorité juridique. L’intérêt du service constitue le fondement du pouvoir sur l’emploi. Ce pouvoir rencontre toutefois des limites. Enfin, l’intérêt du service conduit à imposer aux agents certaines obligations ou à leur refuser certains avantages.
Le pouvoir sur l’emploi
L’intérêt du service fonde le pouvoir sur l’emploi dans ses diverses manifestations : le pouvoir d’affectation, de mutation et de modification dans la teneur de l’emploi, le licenciement.
Le pouvoir d’affectation
L’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire d’assigner tel poste de travail à tel agent ou de procéder à un changement d’affectation d’un emploi à un autre, généralement au sein d’un même service. L’administration dispose aussi du pouvoir de ne pas nommer tous les lauréats d’un concours.
Le pouvoir de mutation et de modification dans la teneur de l’emploi
Il se distingue du simple changement d’affectation par la plus grande ampleur dans la modification de la situation du fonctionnaire. La résidence de l’agent, la matérialité de ses fonctions, en sont affectées, sans que la situation personnelle du fonctionnaire soit altérée. Elle est soit imposée par l’administration, soit acceptée par celle-ci après avoir été demandée par l’agent.
Le licenciement pour insuffisance professionnelle
Il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire, mais bien d’une mesure prise « dans l’intérêt du service », pour laquelle la procédure disciplinaire est obligatoire, à titre de garantie.
Limites du pouvoir sur l’emploi
En matière d’affectations
Le lauréat d’un concours peut être nommé sur tout emploi auquel son corps donne vocation, sous peine de perdre le bénéfice du concours. Mais il a été jugé qu’un Attaché lauréat du concours interne et nommé agent comptable de cinq établissements aurait dû faire l’objet d’une autre proposition de la part de l’administration (erreur manifeste d’appréciation de celle-ci).
Par ailleurs, l’administration est souvent tentée de justifier par l’intérêt du service les mesures prises à l’encontre d’un agent dans une réorganisation. Le juge annule systématiquement ces sanctions déguisées, qui apparaissent comme un moyen de s’affranchir des garanties de la procédure disciplinaire. Rappelons que la CAP doit être consultée si la modification est conséquente, et s’il s’agit d’une mesure en considération de la personne, celle-ci doit pouvoir accéder à son dossier.
L’intérêt du service ne peut permettre une mutation d’office dans des fonctions étrangères à celles des emplois de son corps : ce serait porter atteinte aux droits que le fonctionnaire tient de son statut.
Contraintes et refus d’avantages
- L’astreinte est le type même de la contrainte née du principe d’utilité du service. Elle répond au principe de continuité du service public. Les contreparties au temps d’astreinte : les récupérations, l’attribution d’un logement de fonctions, l’indemnisation.
- L’intérêt du service peut conduire à refuser certains avantages aux agents (autorisations d’absence pour préparer des concours administratifs, ou participer à des actions de formation continue). Par contre, la nécessité de service ne permet pas de refuser une autorisation d’absence pour examens médicaux liés à la grossesse, ou pour réunion syndicale d’information. Elle ne peut non plus, par exemple, conduire à refuser un mi-temps après congé parental, empêcher l’exercice du droit de grève, négliger les cas de consultation des CAP …
En bref
Le champ d’application très large de la notion d’intérêt du service conduit parfois l’autorité administrative à en abuser. Ce n’est pourtant pas un fourre-tout qui lui permettrait de justifier toutes les contraintes qui lui sembleraient utiles : l’intérêt du service demande à être établi. Par exemple, l’administration doit apporter la preuve que l’absence de tel agent durant telle période compromet gravement la continuité du service.
Les limites de la notion d’ ” intérêt du service ” sont celles du garde-fou protecteur que forment les garanties statutaires et lecontrôle de leur application par le juge administratif.