Imputabilité au service des accidents : évolutions jurisprudentielles

Dans la fonction publique, c’est l’administration qui décide qu’un accident est imputable au service et ouvre donc droit à réparation. Mais elle ignore trop souvent les évolutions de la jurisprudence, favorables aux victimes.

Un enjeu important

En cas d’accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion des fonctions, des dispositions statutaires permettent au fonctionnaire de conserver l’intégralité de son traitement et d’obtenir le remboursement des honoraires médicaux (Article 34-2° de la loi 84-16).
De plus, la qualification d’accident de service ouvre droit à une allocation temporaire d’invalidité en cas d’incapacité permanente d’au moins 10 % ou à une rente d’invalidité en cas d’incapacité permanente d’exercer ses fonctions (article 65 de la loi 84-16 et article 1 du décret n°60-1089 du 6 octobre 1960).

Une définition jurisprudentielle

A la différence du secteur privé pour l’accident du travail, il n’existe pas pour les fonctionnaires de définition légale ou réglementaire de la notion d’accident de service. C’est la jurisprudence administrative qui en a progressivement précisé les contours.

L’imputabilité au service d’un accident a longtemps exigé la réunion de trois éléments : l’action soudaine et violente d’une cause extérieure ; une lésion du corps humain ; la survenance dans l’exercice des fonctions ou à l’occasion de leur exercice. C’est ainsi que l’imputabilité n’était pas reconnue lorsque la lésion n’était due ni à une cause extérieure, ni à un effort physique exceptionnel (infarctus du myocarde par exemple) L’intéressé devait apporter la preuve du lien de causalité entre le service et l’accident, celui-ci ne bénéficiant pas de la « présomption d’imputabilité » applicable à un accident du travail survenu à un salarié de droit privé.

Le Conseil d’Etat a abandonné les critères d’extériorité et traumatiques. Par exemple, un malaise survenu sur le lieu de travail est désormais susceptible d’être reconnu comme accident de service. En effet, le Conseil d’Etat considère qu' »un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, présente, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet accident du service, le caractère d’un accident de service » (CE 15 juin 2012, n° 348258). Il ressort de cette jurisprudence que les trois éléments constitutifs de l’accident de service sont désormais le lieu, le temps et l’activité exercée. Cette notion d’accident survenu au temps et au lieu du service est assez large, puisqu’étendue aux événements se produisant sur le trajet domicile-travail ou en mission.

Accidents de trajet

Ils sont reconnus comme imputable au service, à condition d’être survenus sur le parcours habituel de l’agent entre son domicile et son lieu de travail. La jurisprudence a évolué dans un sens favorable aux victimes, l’agent pouvant en effet justifier de la nécessité d’un détour : passage chez la nourrice, arrêt dans une boulangerie, détour pour effectuer des examens sanguins dans un laboratoire d’analyses médicales…

Acte de la vie courante en mission

Concernant l’accident pendant le temps d’une mission, l’évolution a été comparable à celle observée pour l’accident de service. Le Conseil d’Etat considère désormais que tout accident survenu en mission devait être regardé comme un accident de service, même survenu à l’occasion d’un acte de la vie courante, sauf s’il avait eu lieu lors d’une interruption de cette mission pour des motifs personnels (CE n° 260786 du 3 décembre 2004). Il en a conclu que le cas examiné (chute dans la salle de bains) était bien un accident de service.

Tentative de suicide

Plus récemment, le Conseil d’Etat a précisé les modalités de prise en charge d’une tentative de suicide sur le lieu de travail. Alors que la commission de réforme a reconnu qu’il existait un lien direct entre son acte et le travail, l’administration avait refusé de reconnaître l’imputabilité. Dans un premier temps, le tribunal administratif a considéré que le fonctionnaire devait apporter la preuve d’une relation directe, certaine et déterminante entre le travail et la tentative de suicide. Le Conseil d’Etat a confirmé que cette dernière répondait bien à la définition de l’accident de service parce qu’elle s’était déroulée sur le lieu de travail et durant les horaires de service, que le lien direct avait été reconnu par la commission de réforme et qu’en l’espèce il n’était pas détachable du service (CE n° 361820 du 16 juillet 2014).

Exigence d’un lien direct, mais pas exclusif

Il était habituellement admis que la maladie mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’accomplir son service devait être en lien direct et exclusif avec l’accident. Une exigence modifiée par une décision du Conseil d’Etat (CE n° 353093 du 23 septembre 2013).

A la suite de deux accidents de service successifs, une fonctionnaire souffrait d’un syndrome dépressif réactionnel causé par les difficultés administratives pour retrouver un poste adapté à son état de santé. L’administration ne reconnaissait pas son affection comme consécutive à ses accidents de service, au motif qu’elle n’était pas directement et exclusivement liée au second accident. Le Conseil d’Etat a considéré que la maladie empêchant un fonctionnaire d’accomplir son service devait être en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l’accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion des fonctions. En conséquence, le syndrome dépressif a été reconnu comme accident de service.

Ainsi, certains refus de reconnaissance d’imputabilité au service d’un accident sont injustifiés. L’administration ne peut désormais refuser l’imputabilité au service d’un accident survenu sur le lieu et durant les heures de travail qu’en établissant la preuve qu’une faute personnelle de l’agent est seule à l’origine de l’accident.