Harcèlement

Une conscience nouvelle

Depuis quelques années, est apparue la notion de harcèlement dans les relations sociales et plus particulièrement dans les situations de travail. La nature et les mécanismes du harcèlement – qui s’exerce évidemment très majoritairement de la part d’un supérieur à l’encontre d’un subordonné – sont mieux connus. Le harcèlement est une attaque contre une personne, une mise en cause de sa dignité. Il est distinct du stress professionnel dû à la charge de travail. Il relève d’une volonté de nuire. La prise de conscience de l’injustice qu’il représente s’est traduite dans la loi n° 2002-73 de modernisation sociale du 19 décembre 2001 (articles 168 à 180).

Comment se manifeste-t-il ?

Le harcèlement est composé d’un savant et pernicieux mélange de modifications objectives de la situation de travail, de dévalorisation de l’image que « l’adversaire » a de lui-même, afin de le déstabiliser. Il est fait d’une addition de faits et de comportements, de manipulations psychologiques. Des erreurs sont inventées ou grossies soit pour dissimuler celles d’autres personnes, soit pour dissimuler un dysfonctionnement, parfois ancien, du service, soit par pure perversité. Dans tous les cas, il s’agit d’un comportement pervers visant au départ d’une personne. Ensuite, tout ou presque pourra être dit sans contestation sur son incapacité réelle ou imaginaire, et sa responsabilité dans telle ou telle incurie. Rien à voir avec l’intérêt du service, pourtant souvent fort habilement invoqué, qui est protégé par tout un dispositif réglementaire comportant des garanties pour les personnels. L’administration se doit d’analyser ces phénomènes et ne pas se contenter de faire appliquer mécaniquement le principe hiérarchique : l’intérêt du service est parfois utilisé pour couvrir des mobiles qui lui sont étrangers.

Pourquoi le harcèlement

Le harceleur est lui-même souvent harcelé ou en difficulté et ressent le besoin de trouver un bouc émissaire de ses propres difficultés professionnelles. La solution de facilité lorsque tout va mal est de s’en prendre à ses subordonnés. Il peut y avoir aussi des phénomènes purement caractériels. Chaque fois qu’il y a un dysfonctionnement grave dans un service, il faut être très prudent devant l’affirmation que tel ou tel est “nul”, déceler les manœuvres tendant à isoler un collègue.

Comment réagir

La difficulté de démontrer la réalité du harcèlement vient de ce qu’il s’agit le plus souvent d’une addition de faits et comportements, dont certains ne laissent pas de traces, les harceleurs étant habiles. Mais si les paroles s’envolent, il y a aussi des éléments objectifs (rapport écrit, retrait de responsabilités). Des témoignages aussi, si la solidarité des collègues joue. Cette solidarité est aussi essentielle que difficile dans une relation hiérarchique, donc inégalitaire, où des pressions peuvent aisément s’exercer. Cette solidarité sera souvent un élément majeur pour établir des faits dont le supérieur ne pourra prouver qu’ils entrent dans le cadre normal de la relation de travail. Le poids hiérarchique de la parole des responsables en place fait que l’on croit parfois plutôt ces derniers. D’autant plus que le harcelé donne souvent des signes de perturbations psychologiques (ce n’est pas étonnant), alors que le harceleur se porte à merveille.

Il est important de détecter, dans les services, les situations de harcèlement et de ne pas laisser se créer un isolement autour des collègues incriminés. Les structures d’écoute et de médiation mises en place dans l’administration sont notoirement insuffisantes : pas vraiment indépendantes, ni dotées de véritables pouvoirs. La Charte sociale européenne avait instauré, contre les harcèlements au travail, un droit à la dignité. Les CHS, les médecins du travail, devraient avoir connaissance des cas de harcèlement.

La loi

Le législateur avait d’abord sanctionné le harcèlement sexuel. La loi de “modernisation sociale” du 17 janvier 2002, comporte des dispositions concernant le harcèlement au travail. Pour la première fois cette notion est prise en compte dans un texte législatif. Le harcèlement devient une infraction pénale punissable d’un an d’emprisonnement et de 15000 € d’amende. Lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, c’est à l’employeur (ou au chef de service) de démontrer que les éléments incriminés par le plaignant ne dépassaient pas le fonctionnement normal du milieu de travail. Les dispositions concernant spécifiquement la Fonction publique sont intégrées au titre 1 du statut général. Le harcèlement, souvent difficile à prouver, a pour le moment donné lieu à une jurisprudence peu nombreuse.


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