Fichage : savoir dire non
Histoire
Le Livret ouvrier, mis en place par Napoléon, servit à surveiller les déplacements des classes populaires. L’affaire des fiches concernait un fichage et une ségrégation politique et religieuse menée dans l’armée française au début du XXe siècle. En 1914, 2 500 personnes figuraient dans le « carnet B » : suspects d’espionnage, éléments antimilitaristes, militants politiques et syndicaux, étrangers. Sous la Troisième République, la police ficha les communistes ; puis les juifs sous Vichy. Ces fichiers furent transmis à la Gestapo et utilisés pour l’organisation de la rafle du Vélodrome d’Hiver, les 16 et 17 juillet 1942.
Du simple fichier papier aux grandes bases de données informatiques actuelles, à la fois moyen de gestion et de surveillance des populations, l’activité de fichage s’est considérablement accrue en même temps que se renforçaient les domaines d’intervention et les moyens de police des puissances publiques. L’individu y est en général présent dans des centaines de fichiers qu’ils soient publics (ceux des nombreuses administrations) ou privés (les fichiers commerciaux et bancaires principalement).
Tous les États démocratiques modernes se sont dotés de législations définissant et encadrant l’exercice du fichage. En général elles portent le nom de Loi informatique et libertés.
Fonctionnaires
Le dossier du fonctionnaire a été réglementé en 1905 pour éviter les excès du fichage. Le dossier doit être tenu à jour chronologiquement et les pièces numérotées. Il doit être unique (pas de dossier parallèle). Les sanctions amnistiées doivent être immédiatement effacées du dossier. Le dossier doit être neutre dans son contenu (pas de mention des opinions ou des engagements personnels). L’administration doit en assurer la confidentialité. La rigueur de sa tenue constitue une garantie fondamentale de l’agent sanctionnable. La dématérialisation envisagée devra respecter cette rigueur.
Le fonctionnaire a un droit d’accès à son dossier, rappelé dans quatre textes différents : l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, les articles 18 et 19 du titre I du statut général des fonctionnaires et, de manière plus générale, dans la loi 78-753 du 17 juillet 1978.
Citoyens
La loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978 prévoit des garde-fous pour protéger les personnes des dangers liés aux fichiers et aux traitements informatiques. La loi reconnaît aux citoyens des droits spécifiques pour préserver leur vie privée :
- le droit à l’information : toute personne a le droit de savoir si elle est fichée et dans quels fichiers elle est recensée. Des exceptions : fichiers de police ou de gendarmerie, fichiers relatifs à des condamnations pénales.
- le droit d’opposition : c’est la possibilité de s’opposer, pour des motifs légitimes, à figurer dans un fichier.
- le droit d’accès : c’est le droit d’interroger le responsable d’un fichier ou d’un traitement pour savoir s’il détient des informations sur elle, et le cas échéant d’en obtenir communication.
- le droit de rectification : pour l’exercer, il faut écrire à l’organisme qui détient les informations.
Consulter le site de la CNIL : Pour l’accès aux documents administratifs (exemple : copie d’examen, dossier fiscal), le juge administratif ne peut être saisi sans saisine préalable de la CADA.
Militants
La mobilisation collective contre le fichier « Base – élèves » a été une réussite. Le fichier devait à l’origine contenir des informations non indispensables (pays d’origine, langue des parents …).
Que ce soit du côté des familles ou de celui des enseignants, la contestation a visé essentiellement la nature des informations contenues dans ce nouveau fichier (pays d’origine, langue des parents etc. …). La mobilisation des uns et des autres a montré le risque potentiel de dérive policière sous la forme d’un contrôle social illégitime des familles. Devant l’ampleur du mouvement d’opposition, le ministre a pris la décision de restreindre les informations contenues dans ce fichier au « strict minimum » exigé par l’informatisation de la gestion de la scolarité du primaire.
En résumé
Avec l’informatique, le fichage est devenu plus encore qu’hier une menace pour les libertés.
L’administration électronique ne doit avoir ni pour objectif ni pour résultat, de permettre à l’administration d’augmenter le niveau de contrôle et de surveillance des citoyens.
Les citoyens, individuellement et collectivement, doivent être vigilants.