Le ministère était loin de penser que le mouvement dans l’enseignement supérieur et la recherche serait d’une telle ampleur et d’une aussi longue durée. Il aurait tort de croire qu’il a écrasé toute contestation car sous la cendre, le feu couve encore. Il ne tient qu’à nous de le ranimer !
Ce qui a mis le feu aux poudres
Malgré le refus exprimé par une grande partie du monde universitaire au Pacte recherche qui planifie le démantèlement des organismes de recherche et à la loi LRU qui organise la concurrence des universités entre elles, le ministère a continué d’imposer ses réformes : autonomie totale de tous les établissements d’ici le 1er janvier 2011, plan campus, réforme des CROUS (rapport Lambert), remise en cause des statuts des personnels, partenariat public privé, individualisation des salaires et des primes, etc.
Toutes ces mesures vont dans le sens d’un désengagement de l’Etat et d’un abaissement des garanties collectives conduisant à l’aggravement de l’inégalité de traitement des étudiants et des personnels. Lorsque nombre d’établissements ont vu leur dotation diminuer (budget et postes) à l’annonce des crédits et des emplois inscrits au budget de 2009, la tension est montée d’un cran. Les réformes du recrutement et de la formation des enseignants (« mastérisation ») et du statut des enseignants-chercheurs ont achevé de mettre le feu aux poudres en début d’année.
Une mobilisation sans précédent
Les mobilisations s’étaient organisées dès la fin de l’automne dans les IUT pour contester la baisse des moyens. Mais c’est au mois de janvier avec le mot d’ordre lancé par la première coordination nationale des universités « l’université s’arrête » que les mobilisations se sont généralisées très rapidement. La grande majorité des établissements de l’enseignement supérieur sont entrés en résistance pour s’opposer aux réformes. Une plateforme unitaire a été rédigée par la CNU. Elle demande l’abrogation de la loi LRU et du Pacte recherche et prend en compte les problèmes de l’emploi, de la précarité, des attaques contre les statuts, des conditions d’études, etc. La gestion de l’enseignement supérieur et de la recherche publique comme une entreprise sur une logique essentiellement comptable est dénoncée.
D’autres coordinations regroupant les étudiants, les personnels des IUFM, les personnels de laboratoires, les personnels BIATOS se sont également mises en place.
Un mouvement exemplaire : unitaire, fédérateur et ouvert sur la Cité
Le mouvement a été fort car il a été unitaire dès sa création. En effet la CNU a permis de rassembler en son sein non seulement les enseignants, les chercheurs les personnels BIATOS mais également l’intersyndicale sup recherche. Si le tempo était donné par les réunions nationales de la CNU (il y en a eu 11), c’est la dynamique et l’imagination déployées par les personnels et les étudiants dans les établissements qui ont permis au mouvement de s’étendre et de durer près de 4 mois.
L’imagination au pouvoir pour avancer et construire ensemble
On peut dire que ce mot d’ordre de « mai 68 » s’est concrétisé à travers les centaines d’initiatives prises par la communauté universitaire pour faire vivre le mouvement. Cela s’est concrétisée par l’organisation des nuits des universités, par des centaines de cours hors les murs, par des débats portant sur le devenir de l’enseignement supérieur et de la recherche, des débats de société, etc. et avec la mise en place de « la ronde des obstinés » qui ont dit obstinément non aux réformes. Ces expériences riches d’échanges et de rencontres ont apportées un vrai souffle au mouvement.
La difficulté de mobilisation des personnels BIATOS
Malgré la prise en compte des revendications des personnels BIATOS par la plateforme revendicative de la CNU, la mobilisation est restée faible dans de nombreux établissements alors, que par ailleurs, les personnels BIATOS ont participé massivement aux journées d’action interprofessionnelles du 29 janvier et du 19 mars. Le mouvement a été perçu par les personnels BIATOS essentiellement comme un mouvement des enseignants portant sur la défense de leur statut. Une vision largement imposée par les médias durant des semaines. Par ailleurs, la position plus qu’ambigüe vis-à-vis du mouvement de l’organisation majoritaire chez les personnels BIATOS de l’enseignement supérieur n’a pas favorisé la mobilisation. Pour mieux organiser la riposte des « invisibles » une coordination nationale des personnels BIATOS à vu le jour. Regroupant des personnels non syndiqués, des syndiqués et des organisations syndicales, elle a favorisé l’unité des luttes et l’échange entre établissements majoritairement parisiens et de la Région Parisienne.
La convergence des luttes de la maternelle à l’université
L’attaque contre l’enseignement supérieur fait partie d’une remise en cause générale des missions de services public d’éducation. Elle se concrétise pour le primaire et le secondaire par des milliers de suppressions d’emplois, la réforme de la formation et du recrutement des enseignants, la réforme des lycées, de l’accueil des enfants en maternelle etc. D’où la nécessité pour gagner d’instaurer un rapport de force large, unitaire et massif face à Pécresse et Darcos. Pendant des semaines les manifestations nationales et locales des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche n’ont pas faiblies. Le mouvement à tout essayé pour trouver des convergences dans les luttes avec les secteurs de l’éducation mais également avec d’autres secteurs de la fonction publique comme les hôpitaux. Cependant, malgré cette forte mobilisation le mouvement est resté isolé. Les journées de mobilisation interprofessionnelles trop espacées n’ont pas permis de faire monter en puissance les mobilisations en cours. La jonction de l’Éducation avec l’ensemble de la Fonction publique et avec le secteur privé ne s’est pas concrétisée. La détermination et la colère face à l’arrogance du gouvernement se sont amplifiées, les occupations de campus se sont mises en place. Dans certains établissements des affrontements avec les forces de l’ordre ont eu lieu et les militants syndicaux étudiants ont été sanctionnés.
Les manœuvres du gouvernement
La mobilisation a obligé le gouvernement à faire quelques concessions, notamment en matière d’emplois pour 2010 et 2011 ainsi que sur le décret des enseignants chercheurs mais le plus gros des attaques a été maintenu. Le passage en force sur le décret des enseignants-chercheurs, le chantage du ministère sur l’organisation des examens, l’isolement du mouvement, la fatigue liée à tant de semaines d’action et l’approche des congés universitaires ont eu raison momentanément du mouvement. Malgré cela, la faillite des groupes de travail concernant la formation et le recrutement des enseignants ainsi que le rejet des textes en cours nous montre que les personnels et les étudiants n’abandonnent pas la lutte !
La rentrée risque d’être chaude !
Alors que l’INSEE prévoit 1 million de chômeurs supplémentaire d’ici l’année prochaine, le gouvernement fort des résultats des élections européennes, persiste dans la mise en place des réformes dont un des axes principal reste la suppression d’un emploi public sur deux. A n’en pas douter l’été va être encore le moment propice à l’adoption par le parlement de textes rétrogrades tel que la loi sur la mobilité qui est une véritable étape vers la privatisation des missions de service public, la remise en cause des statuts des personnels et de leurs acquis notamment en matière d’emploi.
D’autres attaques sont prévisibles telles que l’augmentation du nombre de personnalités extérieures dans les conseils, l’interdiction de l’occupation des établissements, l’augmentation des frais d’inscription, les prêts étudiants à la place de bourses etc.
Face au rouleau compresseur du gouvernement, nous devons construire un mouvement massif, large et unitaire permettant de déboucher sur une généralisation des luttes des salariés du public et du privé.
Tous ensemble dans les luttes tous ensemble pour gagner !
Marie Ganozzi